Dominique Lecourt, professeur émérite d’histoire et de philosophie des sciences à Université Paris Cité, fondateur de l’institut Diderot, du Collège international de philosophie et du Centre Georges Canguilhem, est décédé le 1er mai 2022.

Beaucoup de choses pourraient être dites – et seront dites, assurément – sur celui qui fut un élève d’Althusser et de Canguilhem, théoricien de l’épistémologie historique et spécialiste de Bachelard ; qui rédigea de nombreux ouvrages en histoire et philosophie des sciences, sur le « cercle de Vienne », le lyssenkisme, le créationnisme, le post-humanisme et les techniques, ou le matérialisme de Diderot par exemple. Un auteur qui sut aussi jouer de la polémique, notamment lorsqu’il signait Les piètres penseurs, ouvrage qui n’a rien perdu de son actualité.

A la fois érudit et pédagogue, Dominique Lecourt fut un inlassable promoteur de la philosophie des sciences, qu’il contribua à diffuser à travers ses dictionnaires collectifs, et qu’il permit aussi d’intégrer dans différentes formations universitaires, notamment en faculté de médecine. Car il fut aussi impliqué, à partir notamment de sa collaboration avec Jean-Pierre Chevènement au ministère de l’Education nationale, dans la communauté de l’enseignement et de la recherche : successivement directeur du CNED, recteur d’Académie et président de sections au CNU. Il fut aussi à l’origine, avec Jacques Derrida, Jean-Pierre Faye et François Châtelet, du Collège international de philosophie. Il fonda par ailleurs, au sein de l’Institut de la Pensée Contemporaine et de l’Université Paris Diderot où il était professeur, le Centre Georges Canguilhem qui s’est efforcé de créer des liens entre historiens et philosophes des sciences, médecins, et publics les plus divers interrogeant la médecine.

Dominique Lecourt fut aussi l’un des piliers, comme auteur et comme éditeur, des Presses Universitaires de France où il co-dirigea pendant 20 ans avec Etienne Balibar la collection « Pratiques théoriques » et dirigea, notamment, la collection « Science et société ». Il fut pendant une quinzaine d’années président du conseil de surveillance des PUF, puis vice-président du conseil d’administration.

Il fut encore, en 2009, après sa retraite de l’Université, l’initiateur et longtemps le directeur de l’Institut Diderot, un laboratoire d’idées et de débats.

Tout ceci ne reflète pourtant que très partiellement ce que fut vraiment Dominique, au-delà de ce parcours scientifique et institutionnel : une personnalité unique – à mille lieux du mandarin distant -, amical, pétillant d’intelligence et d’humour, épris de liberté, toujours attentif à celles et ceux qui avaient eu la chance de le rencontrer ou d’étudier à ses côtés. Un homme entier, d’une élégance rare, qui sut à plusieurs reprises soutenir des personnes aux parcours cabossés ou atypiques. Quelqu’un qui, paradoxalement, faisait l’éloge de l’égoïsme tout en manifestant la plus grande générosité envers les autres : paradoxalement seulement en apparence, car ce qu’il souhaitait avant tout, c’était qu’ainsi chacun puisse s’affirmer pleinement quitte, ce faisant, à prendre son propre chemin. 

Pour tout ce qu’il a apporté à la communauté universitaire, et bien au-delà, nous tenions à lui rendre un dernier hommage.

 

Céline Lefève (Université Paris Cité/SPHERE-IHSS, directrice du Centre Georges Canguilhem et de l’Institut La Personne en médecine) et Claude-Olivier Doron (Université Paris Cité/SPHERE-IHSS)

 

 

Pr Dominique Lecourt par Kasia Kozinski 2015
© CC BY-SA 4.0