Spécialiste d’archéologie agraire et historien de l’économie antique, Jean‑Pierre était un enseignant-chercheur passionné par l’analyse des liens entre culture matérielle, mémoire, patrimoine et identités – antiques aussi bien que modernes. Apprécié de tous pour ses éminentes qualités humaines, il fut aussi un intellectuel engagé, sur le terrain politique comme dans la vie syndicale, en France comme en Afrique, et joua un rôle très actif au sein de notre Université.
Né à Roche-la-Molière, non loin de Saint-Étienne, élève de l’ENS de Saint-Cloud (1971-1975), agrégé d’histoire et membre de l’École française de Rome (1978-1981), Jean‑Pierre fut d’abord chercheur au CNRS (1982-1989), avant d’intégrer Paris 13 Villetaneuse (1989-1999), puis de rejoindre en 2000 l’Université Paris 7-Paris Diderot, où il fut fortement impliqué, jusqu’à son départ en retraite en 2012.
Dans le domaine de la recherche, il contribua, avec Louise Bruit et Valérie Huet, à la création en 2001, puis au rayonnement, de l’Équipe d’accueil « Phéacie. Pratiques culturelles des sociétés grecque et romaine » (EA 3521), dont il assuma la direction de 2006 à 2009. Il participa ensuite à la création de l’UMR 8210 ANHIMA, née de la fusion des centres Louis Gernet et Gustave Glotz, en 2010, associant ainsi notre Université au CNRS, à Paris 1, à l’EHESS et à l’EPHE.
Il dirigea l’UFR GHSS (Géographie, Histoire, Sciences sociales) de 2001 à 2006, avant de rejoindre l’équipe de Vincent Berger comme délégué au PRES Sorbonne Paris Cité pour la Présidence de Paris 7 (2004-2010) et d’œuvrer au projet de fusion des universités Paris 1, Paris 3, Paris 7, Paris 13 et de l’INALCO.
Il fut également l’un des artisans principaux du rapprochement avec l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-Val de Seine, grâce à la création et au développement d’une filière commune Patrimoine (sous la forme d’un Master 2 co-accrédité « Ville, architecture, patrimoine »), posant ainsi la première pierre d’une fructueuse dynamique d’association.
Avec ce même partenaire, à partir de 2007, il développa un important chantier (fouille, restauration, mise en valeur) dans l’oasis de Figuig (Maroc oriental) et contribua activement à l’inscription du site, en 2011, sur la liste indicative, en vue d’un classement au Patrimoine mondial de l’humanité. Il contribua ainsi au rayonnement de l’équipe ANHIMA, en animant l’un des programmes de son axe 4 : « Culture matérielle, patrimoine et construction identitaire ».
Cet engagement remarquable dans le fonctionnement et le rayonnement de notre Université ne le dispensa pas de remplir divers mandats nationaux, notamment au CNU (1994-1998) et au HCERES (2013-2016).
Comme il se doit, ses enseignements nourrirent ses recherches, et réciproquement, aussi bien sur les questions économiques et sociales qu’archéologiques et patrimoniales. De surcroît, il tint toujours à intervenir dans l’ensemble des cursus, depuis la L1 jusqu’au Master, ainsi que dans les préparations aux concours du CAPES d’histoire-géographie et de l’agrégation d’histoire. Il anima le séminaire d’histoire romaine avec Valérie Huet puis Stéphanie Wyler, et encadra de nombreux mémoires de master et six thèses de doctorat.
Humaniste, Jean-Pierre fut un homme du dialogue et de l’échange entre les disciplines : bien au-delà de la spécialité dans laquelle il était unanimement reconnu, l’archéologie et l’histoire des structures agraires antiques et de l’environnement méditerranéen ancien (du Maroc à la Syrie, en passant par l’Italie, avec une prédilection pour la Campanie, sur laquelle il avait soutenu son HDR en 1997), il se passionna pour la paléographie hébraïque, l’ethnopsychiatrie transculturelle ou le patrimoine de toute époque (en Île-de France, au Togo et à Figuig, oasis marocaine)… Les thèses qu’il a dirigées ou les jurys auxquels il a participé reflètent d’ailleurs la grande diversité de ses centres d’intérêt.
Dans tous ces domaines, son esprit critique n’était jamais pris en défaut, que ce soit pour discuter et remettre en cause les périodisations simplificatrices du « mode de production esclavagiste » afin de leur substituer une analyse fine et nuancée, avec des temporalités et des cycles multiples, ou pour relever ce qui, dans la liste du Patrimoine mondial de l’humanité de l’UNESCO, trahit des impensés ou des a priori occidentaux, parfois au détriment d’authentiques « lieux de mémoire et sites de conscience » – pour reprendre le sous-titre d’un de ses livres. Enfin, on ne saurait oublier sa volonté de produire des outils de connaissance tournés vers un vaste public, films et cartels destinés aux habitants de Figuig, articles de dictionnaire ou manuels de référence au service des étudiants. Paraît emblématique à cet égard l’entreprise collective à laquelle il a consacré toute son énergie ces dernières années et qui a abouti à la publication, en 2020, d’un ouvrage intitulé Les mondes romains. Questions d’archéologie et histoire : un orchestre de vingt-huit collaborateurs internationaux et pluridisciplinaires, des approches critiques en archéologie et en histoire, un questionnement théorique et des études de cas pour bannir toute généralisation hâtive…
S’il est permis de terminer par un jeu sur les mots – ce que Jean-Pierre n’aurait probablement pas désavoué – on retiendra de lui que notre collègue et ami fut homme des campagnes : par son champ de recherche privilégié, l’économie et l’habitat du monde rural romain, par l’art de la programmation et la ténacité de l’archéologue, mais également par sa vigilance, ses prises de position et ses mobilisations face aux injustices, aux inégalités et aux rapports de domination, notamment néocoloniaux, enfin par ses engagements universitaires, syndicaux et publics.
C’est avec une grande tristesse que la Présidence de l’université, la faculté Sociétés & Humanités et l’UFR GHES s’associent aux hommages à sa mémoire et présentent toutes leurs condoléances à sa famille et à ses proches.