Les cellules restent encore par bien des aspects mystérieuses, mais la recherche révèle au fur et à mesure les mécanismes fondamentaux régissant leur fonctionnement. Une étude menée par Benoît Palancade, chercheur à l’Institut Jacques Monod (Université Paris Cité / CNRS), vient d’être publiée à ce sujet dans la revue Molecular Cell.

© B. Palancade – IJM
Des recherches intenses sont menées depuis les années 1970 pour comprendre comment les protéines se distribuent au sein des cellules eucaryotes, celles possédant un noyau. Les travaux pionniers du laboratoire de Günter Blobel (Prix Nobel en 1999) ont été les premiers à montrer que la biosynthèse des protéines pouvait avoir lieu à la surface du réticulum endoplasmique, l’un des multiples compartiments dans lesquels se déroulent les processus intracellulaires. De nombreuses études ont par la suite démontré que des mécanismes similaires étaient à l’œuvre dans d’autres compartiments cellulaires, mais une exception concernait les protéines du noyau de la cellule, qui semblaient toutes être fabriquées à distance de leur compartiment de destination. « Ce que montre cette étude, nous révèle Benoît Palancade, c’est que certaines protéines du noyau sont elles aussi fabriquées à l’entrée du noyau, au niveau des pores nucléaires qui assurent les échanges entre le noyau et le cytoplasme ».
Comment fonctionne une cellule
Un petit détour s’impose pour mieux comprendre le fonctionnement d’une cellule et la fabrication des protéines : « Précisons d’abord que notre étude a été réalisée à l’aide d’un modèle eucaryote unicellulaire, la levure de boulanger plus précisément, très pratique à étudier en laboratoire. Ce modèle permet dans de nombreux cas de comprendre des mécanismes cellulaires conservés dans d’autres espèces comme l’humain » indique Benoît Palancade. Il poursuit : « Le matériel génétique, l’ADN, contient toutes les informations requises pour fabriquer des protéines, elles-mêmes essentielles au fonctionnement de tout organisme vivant : l’insuline par exemple, produite par les cellules du pancréas, ou le collagène, fabriqué par les cellules de la peau. Comme l’ADN est conservé précieusement dans le noyau, la recette pour produire les protéines est envoyée dans le reste de la cellule sous la forme de molécules d’ARN messagers. C’est le principe de base du fonctionnement de toute cellule eucaryote ».
Mieux comprendre la répartition des protéines dans la cellule
Quels sont les enjeux à vouloir mieux comprendre la distribution des protéines au sein de la cellule ? « La plupart des protéines comportent une sorte de code postal qui leur permet d’être distribuées au bon endroit de la cellule pour pleinement remplir leur fonction biologique précise Benoît Palancade. Notre étude montre que le processus de synthèse de certaines protéines à la surface du noyau pourrait éviter leur accumulation dans des zones non opportunes. En dehors de leur compartiment de destination, elles pourraient en effet être toxiques ou avoir tendance à former des agrégats ». Quand on l’interroge sur les conséquences potentielles de cette mauvaise répartition des protéines dans la cellule, Benoît Palancade évoque le cas de maladies neurodégénératives caractérisées par la formation d’amas de protéines dans la cellule : « Comprendre comment les protéines s’agrègent ou non est très important et ouvre la voie à une meilleure compréhension de ces maladies. À ce stade on reste bien entendu au niveau de la recherche fondamentale, le but est de comprendre le fonctionnement basique d’une cellule. Mais à moyen voire à long terme, ce type de découverte pourrait avoir une application concrète. Comme le montre l’actualité, tous les travaux passés ayant étudié les aspects fondamentaux de la biologie des ARN messagers peuvent soudain se révéler d’une importance capitale. »
Une équipe pluridisciplinaire
Un mot également sur l’équipe internationale qui a permis d’aboutir à cette étude menée par des chercheurs de l’Institut Jacques Monod (Université Paris Cité / CNRS), et impliquant des chercheurs de l’Université de Genève, de Sorbonne Université et de l’Institut Curie. « Notre équipe a rassemblé des expertises de biologie moléculaire pour caractériser les molécules d’ARN messager, de biochimie pour caractériser les protéines, et de microscopie pour suivre de près la localisation de ces processus. C’est une combinaison de compétences diverses qui a permis d’arriver à ce résultat » explique Benoît Palancade, avant de rappeler qu’il s’agit d’une première étude : « Nous avons mis en évidence ce processus de traduction des protéines aux pores nucléaires pour une dizaine de protéines différentes. Est-ce un phénomène général ou une exception ? Peut-on le généraliser à toutes les cellules eucaryotes ? Il y a encore de nombreuses questions, mais on vient de franchir une étape importante ».
Contact :
Benoît Palancade, chercheur CNRS à l’Institut Jacques Monod, équipe « Biogenèse des ARNs et homéostasie du génome », benoit.palancade@ijm.fr
Plus d’informations :
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Consulter l’article en ligne : “Co‐translational assembly and localized translation of nucleoporins in nuclear pore complex biogenesis”, Lautier O, Penzo A, Rouviere JO, Chevreux C, Collet L, Liodice I, Taddei A, Devaux F, Collart MA & Palancade B, Molecular Cell
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Consulter l’article sur le site du CNRS
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