Mélodie Lapointe, Simona Etinski et Zeinab Nehaï, post-doctorante et doctorantes à l’Institut de recherche en informatique fondamentale (IRIF) se sont prêtées au jeu de questions-réponses d’Eva Ryckelynck (responsable administrative de l’IRIF) et Valérie Berthé (directrice de recherche) pour témoigner de leur parcours de femmes en informatique.
 

 

De gauche à droite : Mélodie Lapointe, Simona Etinski et Zeinab Nehaï

Pouvez-vous vous présenter succinctement ?

Mélodie Lapointe : Je suis post-doctorante à l’IRIF depuis un peu moins de 6 mois. Je travaille sur la combinatoire des mots. J’ai grandi dans un petit village au Québec, à Saint-Honoré. J’ai étudié les mathématiques à l’université, dans l’idée de devenir professeure. Autour de moi les gens étaient peu conscients du fait qu’il était possible de faire de la recherche en mathématiques. Ce n’est qu’en discutant avec des enseignant.e.s pendant ma licence, que j’ai découvert qu’il était possible de faire de la recherche en mathématiques un métier. J’ai alors décidé de changer de majeure [au Québec, il y a une majeure spéciale pour les étudiants qui veulent devenir enseignants] pour faire cela.

Simona Etinski : Je suis doctorante en cryptographie et informatique quantique à l’IRIF et à l’INRIA depuis un an et demi. Je viens de Serbie. En parallèle du lycée, j’ai suivi des séminaires scientifiques dispensés par le Petnica Science Center (https://pi.petnica.rs/), une structure qui organise toute l’année des évènements de ce type. J’ai poursuivi des études scientifiques à l’université, dans les domaines de l’électricité et de l’ingénierie informatique. J’ai ensuite débuté un doctorat. Après environ un an, j’ai décidé de changer de domaine de recherche et de recommencer un doctorat en informatique quantique.

Zeinab Nehaï : Je suis doctorante en 3ème année au CEA et à l’IRIF, dans le domaine de la vérification formelle appliquée aux systèmes blockchain. J’ai fait des études de génie électrique en licence, puis j’ai intégré une école d’ingénieur généraliste. Il me manquait un aspect « pratique » pendant mes études de génie électrique, ce que l’école d’ingénieur m’a apportée. L’université a elle été très formatrice sur le côté théorique complémentaire. J’ai ensuite fait mon stage de master au CEA, puis j’ai commencé ma thèse.

Qu’est-ce qui vous a amenées à faire des études scientifiques ?

Mélodie : J’ai suivi un cursus sport /études et suis devenue intéressée par les sciences au lycée, où des professeur.e.s m’ont encouragée dans cette voie. Comme j’aimais particulièrement les mathématiques, j’ai décidé d’étudier cela à l’université. J’ai par la suite découvert la recherche à l’occasion de stages de recherche effectués l’été sur la recommandation de l’un de mes professeur.e.s.

Simona : Plusieurs choses : participer à des « summer schools » scientifiques, l’appui et les encouragements de certain.e.s professeur.e.s au lycée, et rencontrer des gens qui faisaient de la recherche.  J’ai par ailleurs pu assister au niveau séminaires scientifiques du Petnica Science Center.  J’y ai suivi des cours de linguistique et de mathématiques. Cela m’a donné une première expérience de recherche.

Zeinab : Quand j’étais au collège, j’étais déjà intéressée par l’informatique. J’aimais bien la technologie, les ordinateurs. J’ai voulu faire L au lycée. Une professeure de français m’a motivée dans cette voie.  Ma professeure de physique m’a elle fortement conseillée d’aller en S, ce que j’ai finalement décidé de faire. Mes choix ont souvent été influencés par des rencontres. Au lycée j’étais une élève moyenne et mon manque de confiance en moi me démotivait. N’étant pas encore sûre de mes choix d’études, j’ai choisi de redoubler ma terminale, en décidant de m’investir à fonds. C’est cela qui a changé ma vision des études et m’a redonné confiance pour la suite. Je me suis vraiment révélée à l’université.

Pourquoi vous êtes-vous spécialisées en informatique ?

Mélodie : J’ai commencé l’université en suivant un cursus en mathématiques. J’ai dû choisir une « mineure », et mon choix s’est porté l’informatique, car dans mon université, les deux domaines étaient rattachés au même département. J’ai par la suite fait un stage, où j’ai découvert que la recherche scientifique pouvait être un métier. J’ai alors décidé de m’orienter vers la recherche dans le domaine de l’informatique et des mathématiques.

Simona : Mes études en ingénierie informatique et en électricité m’ont attirée vers l’informatique quantique.

Zeinab : J’ai découvert l’informatique en école d’ingénieur. J’y ai appris, entre autre, la programmation et cela m’a beaucoup plu. Puis, par le biais de mon encadrant lors d’un stage de 4ème année, j’ai découvert la recherche en informatique. Ce stage portait sur les blockchains et l’énergie, domaines qui à l’époque m’intéressaient beaucoup. Par la suite, j’ai décidé de faire un Master recherche [Conception et Commande des Systèmes Critiques] à l’ENS Cachan, en parallèle de ma dernière année d’école d’ingénieur. Dans ce cadre, j’ai fait un stage au CEA qui portait sur les blockchains et la vérification formelle, sujet que j’avais déjà rencontré lors de mon précédent stage.

Avez-vous été inspirées par des femmes scientifiques, et, si oui, lesquelles ?

Mélodie : Non, mais mes parents m’ont appris que, que l’on soit un homme ou une femme, tout est possible.

Simona : J’ai été inspirée par certaines de mes professeures à l’université. Toutefois, avant de me spécialiser dans le domaine, la seule femme de renommée internationale que je connaissais était Ada Lovelace [1815-1852, pionnière de la science informatique. Elle est principalement connue pour avoir réalisé le premier véritable programme informatique, lors de son travail sur un ancêtre de l’ordinateur].

Zeinab : Je n’ai pas de figure scientifique en tête.  On n’en parlait pas autour de moi, et je ne me suis pas trop intéressée au sujet non plus. Les gens qui m’ont inspirée sont les gens du quotidien. Certain.e.s. enseignant.e.s ont  joué un grand rôle et ont participé à me motiver depuis le lycée. Je n’aimais pas vraiment les mathématiques au lycée, mais un professeur a réussi à me les faire aimer par le biais d’une approche pédagogique différente. J’ai découvert leur logique et cela a fait naître en moi de nouvelles ambitions. Pareil en école d’ingénieurs, où j’ai rencontré une professeure qui m’a vraiment donnée envie de faire de la programmation. Je marche au relationnel en fait.

Qu’est-ce qu’il pourrait être fait pour attirer plus de femmes dans la recherche en informatique ?

Mélodie : Ce qui me semble le plus important, c’est que les plus jeunes sachent que la recherche est un métier. Par ailleurs, il faut dire aux jeunes filles et aux femmes qu’elles ont leur place en mathématiques et en informatique.  Pendant mes études universitaires, nous étions très peu de filles mais pendant mon doctorat, nous étions tout un groupe, et cela m’a aidée à trouver ma place. Je me suis par ailleurs investie dans des actions de médiation scientifique tournées autour de la recherche comme « MATh.en.JEANS » à destination des jeunes et je souhaite continuer à m’y impliquer.

Simona : Je pense qu’il faut commencer lorsque les enfants sont jeunes, notamment en combattant les stéréotypes. Il faut par ailleurs les encourager à essayer différentes choses afin qu’ils puissent déterminer le domaine qui leur plait le plus.

Zeinab : Pour attirer les filles vers les sciences, il faut savoir instaurer une relation de confiance entre les enseignant.e.s et les étudiantes, afin de permettre de dépasser le manque de confiance en soi. Par ailleurs, il ne faut pas se dire que les maths ce n’est pas fait pour nous.  L’informatique est à la portée de toutes et ce n’est pas assez mis en valeur. En tant que fille, on est conditionnée à se dire que la logique, les mathématiques, c’est pour les garçons, mais en réalité on peut attirer vers les mathématiques avec une bonne pédagogie. Les enseignants ont un grand rôle pour faire connaître l’informatique aux plus jeunes.

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