InnovEd4TS : Expérimenter l’apprentissage par problèmes en santé

Les 1er et 2 juillet derniers, la huitième initiative phare du partenariat stratégique InnovEd4TS a été organisée sous la forme d’un événement virtuel à Université Paris Cité. Les experts invités de quatre universités de l’alliance Circle U. et de l’Université de Lisbonne ont discuté de l’apprentissage par problèmes (APP) expérimenté depuis deux ans à l’UFR médecine d’Université Paris Cité en collaboration avec l’École des éducateurs de santé de l’Université de Maastricht.

Cette mission de terrain a été l’occasion de discuter des compétences des étudiants que la méthode APP favorise. Elle aborde également les défis liés au développement d’une pédagogie innovante et collaborative dans l’environnement compétitif des études médicales.

Cette initiative phare se concentre sur trois compétences transférables.

L’apprentissage par les problèmes (APP) consiste à acquérir des connaissances tout en résolvant des problèmes dans une approche d’apprentissage « par la pratique ». Les participants à la visite ont voté sur les compétences transférables que l’apprentissage par les problèmes permet d’acquérir et ont convenu que la résolution de problèmes était la compétence la plus importante. La pensée critique et le travail d’équipe arrivent en deuxième position. La créativité et la communication orale arrivent en troisième position.

Dessins par Benoit Raucent

Le partenariat stratégique InnovEd4TS (Innovative Education for Transferable Skills) est composé de cinq universités membres de l’alliance Circle U. (l’Université d’Humboldt, UCLouvain, l’Université d’Oslo, l’Université d’Aarhus et Université Paris Cité) ainsi que de l’Université de Lisbonne.

La résolution de problèmes est au cœur de l’apprentissage par problèmes (APP). Elle implique l’identification, l’analyse et la redéfinition de problèmes, l’identification d’outils pour résoudre le problème et l’application de ces outils à un contexte. 

Le travail en équipe est également une composante importante de l’apprentissage par problèmes, qui implique la gestion des conflits, la prise de décision constructive et la capacité à partager la charge de travail.

La communication orale implique le filtrage, l’adaptation et le partage de l’information ; la formation des membres du groupe (utilisation de visuels, de concepts, reformulation).

L’APP à Université Paris Cité est enseigné en français et en anglais (25% des étudiants suivent les cours APP en anglais) : il vise également à améliorer les compétences linguistiques des étudiants en anglais afin de les préparer à leur rôle de futurs professionnels de la santé travaillant à l’international. 

De la compétition à la collaboration 

Viktoria Nagy, professeur d’anglais médical, et Elizabeth Macintyre, professeur d’hématologie d’Université Paris Cité, co-coordinatrices de l’initiative APP à l’Université Paris Cité, ont organisé une session d’introduction visant à présenter les notions théoriques de base de l’apprentissage par problèmes. Elles en ont présenté quatre principes clés:

• Un apprentissage constructif et actif : Créer activement ses propres connaissances et savoir-faire afin de donner du sens au processus d’apprentissage et d’améliorer l’acquisition de connaissances à long terme ;
• Apprentissage contextuel : Des cas réels et interdisciplinaire sont utilisés pour faciliter l’application des connaissances et du savoir-faire acquis afin d’améliorer les compétences de raisonnement clinique des étudiants ;
• L’apprentissage collaboratif : Le travail en équipe et le format en petits groupes aident les étudiants à acquérir des compétences transférables et les préparent au travail dans un environnement hospitalier où les compétences de travail en équipe sont essentielles ;
• Apprentissage autodirigé : Les étudiants définissent ensemble les objectifs d’apprentissage et les moyens de les atteindre, ce qui leur permet de gagner en autonomie – une autre qualité importante dans un environnement professionnel.

En outre, même si la capacité de l’APP à transmettre des connaissances a souvent été remise en question, Tina Bering Keiding, experte de l’université d’Aarhus, a souligné les « résultats de recherche très positifs sur l’acquisition de connaissances solides » par les étudiants grâce au APP. 

Un nouveau rôle pour les professeurs

Le professeur passe du rôle traditionnel d’évaluateur et de concepteur de cours à celui de facilitateur de l’interaction entre les étudiants. Cela implique de voir le rôle des professeurs différemment : il ne s’agit plus simplement de transmettre des connaissances, mais plutôt d’accompagner les étudiants dans le processus d’apprentissage et de fournir un retour constructif sur la gestion des compétences non techniques. Le rôle de l’enseignant devient celui d’un mentor. « Cela implique d’être capable de s’adapter aux besoins personnels de chaque élève. En d’autres termes, nous nous dirigeons vers une méthodologie pédagogique plus personnalisée, et cela nécessite des compétences étendues en psychologie de l’éducation« . – déclare Viktoria Nagy. À cet égard, deux des principaux défis signalés par les experts sont les suivants : les schémas comportementaux des étudiants et des enseignants et les préjugés culturels concernant l’espace d’apprentissage.

La formation des tuteurs est essentielle

Chaque groupe est composé de 10 à 12 étudiants, chacun ayant un tuteur qui facilite leur travail. Étant donné la nouveauté de l’approche, les tuteurs, principalement des professeurs de médecine, reçoivent une formation théorique de 5 heures sur la méthodologie APP avec l’aide des formateurs de Maastricht. Ils ont également des réunions hebdomadaires pour discuter des défis et des expériences. En outre, les experts d’Université Paris Cité ont conçu un module de formation pratique de 15 heures, destiné aux étudiants et aux tuteurs, qui améliorera la dynamique de groupe et la compréhension de la méthodologie APP. Ce nouveau module sera mis en œuvre pour la première fois en 2021.

Évaluer différemment les compétences des étudiants

L’évaluation des étudiants se compose à 30 % d’une évaluation traditionnelle et standardisée sous forme de questionnaires à choix multiples et à 70 % d’une évaluation formative avec le tuteur à mi-semestre et à la fin du semestre. « Ces séances de feedback avec le tuteur améliorent les capacités d’autoréflexion des étudiants, les aident à devenir des professionnels conscients et établissent un lien personnel entre le mentor et l’étudiant. » – déclare Viktoria Nagy. Une grille a été mise en place pour l’évaluation formative des étudiants avec une liste de critères précis tels que la gestion du temps et l’assiduité, la capacité d’adaptation la créativité, les compétences en matière de communication et de travail en équipe.

Intégrer les connaissances, les compétences et le sens

Lors de la visite, les étudiants ont insisté sur la nouveauté de l’approche : « Nous apprenons d’une manière différente« , a déclaré Sixtine Merieult, étudiante en troisième année de médecine. Ils ont apprécié le processus d’apprentissage actif qui remplace l’écoute passive de l’enseignant. « Il fallait beaucoup plus de temps pour trouver les informations, mais il était beaucoup plus facile de les retenir » a expliqué Inès Farag, étudiante en deuxième année de médecine. Les étudiants ont présenté le travail en équipe comme une caractéristique principale du cours : « Le travail d’équipe est toujours difficile, car il faut apprendre à déléguer et à faire confiance aux autres » a mentionné Lory Hage, étudiante en deuxième année de médecine.

Magali Terme-Zydel, tutrice et responsable du cours de deuxième année « Digestion et défense », a « apprécié l’interaction vivante avec les étudiants » et « l’accent mis sur le processus d’apprentissage qui est plus gratifiant que l’enseignement traditionnel axé sur les notes et les objectifs« .

La force de l’APP est qu’elle « intègre les connaissances, les compétences et le sens », conclut Mary Sutphen, experte de l’université d’Oslo.

Circle U. : un tremplin pour l’innovation pédagogique

La dernière session de la visite a été consacrée à l’apprentissage basé sur les défis, une approche similaire à l’APP, au cœur de l’alliance Circle U. Les « Circle U. Challenges » seront constitués d’équipes d’étudiants des universités de Circle U. qui résoudront les défis posés par les partenaires associés de Circle U. dans les 3 thèmes principaux de l’alliance : démocratie, santé globale et climat.

Kevin Lhoste, chercheur au CRI – Centre de recherche interdisciplinaire, un centre pédagogique et de recherche autonome rattaché à Université Paris Cité a présenté l’université d’été annuelle du CRI, axé sur les Objectifs de Développement durable. Emmanuel Donnard a fait une présentation sur le Challenge Institute (Université Paris Cité / CRI), un institut interdisciplinaire créé en 2020 pour aider l’université à se transformer en engageant les étudiants et les enseignants dans des expériences d’apprentissage innovantes.

Les experts et l’équipe hôte ont engagé une conversation animée sur la pédagogie basée sur les problèmes. Les défis institutionnels de la pédagogie innovante en général ont également été discutés, en particulier la nécessité de démontrer l’efficacité de la pédagogie innovante sur les compétences et les connaissances des étudiants. « Vous pouvez et devez mesurer l’efficacité de l’enseignement« , a soutenu Mary Sutphen. Tina Bering Keiding a insisté sur « l’utilisation d’une approche pragmatique » pour mesurer l’impact « dans des domaines limités« . L’échelle de l’innovation a également été signalée comme un défi, le plus difficile étant de passer d’initiatives à petite échelle à des innovations pédagogiques touchant largement les étudiants dans les universités.

Tous les experts s’accordent à dire que Circle U. devrait être un pilier pour de tels projets autour de l’efficacité de l’enseignement et de la pédagogie innovante. Le Think and do tank de Circle U. sur l’avenir de l’enseignement supérieur aura ce questionnement au cœur de ses préoccupations.