On pensait jusque-là que les Dénisoviens, découverts en 2010, étaient proches des Néandertaliens, avec lesquels ils cohabitaient. Mais l’étude d’une phalange, réalisée par l’Institut Jacques Monod (CNRS/Université Paris Cité), en collaboration avec le laboratoire PACEA (CNRS/Université de Bordeaux/Ministère de la culture et de la communication) et l’université de Toronto (Canada), a révélé que certaines parties du squelette des Dénisoviens étaient plus proches de nous, Homo Sapiens. L’article a été publié le 4 septembre dans la revue Science Advance.

 

L’analyse morphologique du fragment de phalange a montré que cette partie du corps des Dénisoviens se rapproche plus d’Homo Sapiens que des Néandertaliens. 

En 2008, dans la grotte de Denisova, en Sibérie, des ossements humains datés de plus de 60 000 ans sont retrouvés.  Deux ans plus tard, l’analyse d’un tout petit fragment d’une phalange dans lequel l’ADN était exceptionnellement bien préservé, permet d’obtenir une séquence de génome. Surprise ! Cette analyse met en évidence une population humaine jusqu’alors inconnue, les Dénisoviens. Proche des Néandertaliens, leur morphologie reste toutefois peu connue, par manque d’ossements identifiés.

« Les Néandertaliens et les Denisoviens sont des populations qui se sont chevauchées. Elles ont vécu à la même période mais pas forcément au même endroit, même si la grotte de Denisova contient des restes des deux », explique Eva-Maria Geigl, directrice de recherche au sein de l’équipe Épigénome et paléogénome à l’Institut Jacques Monod.

Analyse génomique et morphologique

En 2010, l’équipe de l’institut Jacques Monod travaille elle-aussi sur un fragment de phalange provenant de la grotte de Dénisova. Grâce à la génomique, les chercheurs montrent que ce fragment correspond à la partie manquante du célèbre fragment de phalange qui avait permis de déchiffrer le génome Dénisovien.

« Nous l’avons photographié, mesuré et avons réalisé une analyse morphométrique », ajoute Eva-Maria Geigl. « Ces mesures nous ont permis de comparer ce fragment avec d’autres groupes de population, comme les Néandertaliens et les Homo Sapiens. »

Nouvelle surprise : leur analyse montre que la phalange des Denisoviens est plus proche de celles des humains modernes que de celles des Néandertaliens.

« Le squelette des Dénisoviens semble être comme une mosaïque, qui montre bien que l’évolution n’est pas linéaire », précise Eva-Maria Geigl. En effet, cette découverte contraste avec l’analyse des molaires et de la mandibule récemment identifiées au Tibet, qui possèdent des caractères plus archaïques, « rappelant Homo Erectus, une population encore plus ancienne, et les Néandertaliens ».

Cet ensemble de caractéristiques morphologiques contrastées interroge donc les scientifiques, à la recherche de nouveaux ossements qui leur permettront de mieux comprendre et caractériser cette « troisième » humanité, et montre bien qu’une analyse génomique est nécessaire pour identifier des ossements dénisoviens.

 

Bibliographie

Morphology of the Denisovan phalanx closer to modern humans than to Neandertals. E. Andrew Bennett, Isabelle Crevecoeur, Bence Viola, Anatoly P. Derevianko, Michael V. Shunkov, Thierry Grange, Bruno Maureille, and Eva-Maria Geigl. Science Advances, le 4 septembre 2019. DOI : 10.1126/sciadv.aaw3950

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