Dans une série de 6 articles publiés ce lundi 24 février dans Nature Geoscience et Nature Communication, l’équipe scientifique de la mission InSight de la NASA commence à lever le voile sur les mystères de la planète Mars. Les nombreuses données géophysiques collectées lors des 6 premiers mois de la mission éclairent notamment la structure des premiers kilomètres du sous-sol martien et apportent une compréhension nouvelle des phénomènes atmosphérique à la surface de la planète.
Les chercheurs de l’IPGP et d’Université Paris Cité se sont plus particulièrement intéressés à la sismicité de Mars et aux premières analyses sismo-tectoniques martiennes, aux structures internes crustales imagées par ces premières données, et à l’interaction de l’atmosphère martienne avec la subsurface de Mars.
Vision d’artiste du site d’atterrissage de la sonde InSight, avec la structure en couches du sous-sol. (© IPGP/Nicolas Sarter).
Une douzaine de chercheurs, postdocs et doctorants de l’IPGP et d’Université Paris Cité ont participé à ces analyses, en étroite collaboration avec leurs collègues français, européens et américains. Les données ont de plus été diffusées par le Centre de données de l’IPGP à la communauté internationale, alors que les opérations de SEIS, faites au Centre de Toulouse du CNES, impliquent toujours plusieurs ingénieurs de l’IPGP.
En épluchant les enregistrements du sismomètre SEIS, déployé sur la surface martienne depuis décembre 2018, les sismologues du Mars Quake Service, coordonné par l’ETH de Zurich et auquel l’IPGP contribue, ont en effet repéré mi-février près de 460 évènements sismiques. 40 sont des signaux basse fréquence, correspondant à des séismes relativement profonds, alors que la grande majorité sont des évènements hautes fréquence, beaucoup plus superficiels et proches, dont l’origine est encore imprécise : petits séismes superficiels, glissement de terrain, micro-ébranlement de falaises sont des sources candidates.
Trois strates distinctes déjà identifiée dans le sous-sol
Les ondes sismiques des séismes, sensibles aux matériaux qu’elles traversent, offrent aux planétologues un moyen d’étudier la composition de la structure interne de la planète. En les associant à d’autres sources de vibrations (provenant de l’atterrisseur et de ses instruments ou des tourbillons de poussières qui sillonnent la plaine Elysium), les chercheurs du Mars Structure service, coordonné par l’IPGP et le Jet Propulsion Laboratory, ont pu différencier 3 couches distinctes dans le sous-sol : la duricrust, une couche indurée de quelques centimètres ; le régolite, strate superficielle formée de matériaux concassés par les innombrables impacts depuis des milliards d’années, et enfin une couche d’une dizaine de kilomètres altérés par plusieurs milliards d’années. Sous ces dix kilomètres se trouve une croute profonde consolidée, où la diffusion et l’atténuation observées des ondes sismiques ressemble à ce qui s’observe dans les massifs cristallins terrestre.
Une première zone sismique active découverte sur Mars ?
Un dernier groupe de chercheurs de l’IPGP s’est enfin focalisé sur l’analyse sismo-tectonique des plus gros évènements. Deux séismes, de magnitude 3.6, ont pu être localisés à 1600 kilomètres à l’est d’InSight, dans un secteur appelé Cerberus Fossae, vaste région zébrée d’immenses failles où les scientifiques avaient déjà remarqué, sur les images très haute résolution de Mars Reconnaissance Orbiter, des blocs de roche ayant pu être ébranlés par des séismes et précipités le long des abrupts. Dans cette région, d’anciennes débâcles ont en effet creusé des canyons de près de 1 300 kilomètres de long. Des coulées de lave s’y sont infiltrées au cours des 10 derniers millions d’années, et certaines de ces coulées de lave récentes (à l’échelle des temps géologiques) montrent des signes de fractures dues à des séismes il y a moins de 2 millions d’années. Si l’analyse de ces séismes se confirme, Cerberus Fossae serait alors la première zone sismique active jamais découverte sur la planète rouge.
Si la croûte martienne commence à livrer ses secrets, les séismes pour l’instant détectés ne permettent pas encore d’illuminer l’intérieur de Mars, et d’« éclairer » le manteau et le noyau.
Les premiers résultats fournis par le sismomètre SEIS durant sa première année d’opérations sur Mars sont cependant très encourageants, et les données, rendues publiques au fur et à mesure par le centre de données de l’IPGP, sont intensivement étudiés non seulement par de nombreuses équipes internationales mais aussi par un réseau mondial de collégiens et de Lycéens, dans le cadre du projet Sismo à l’Ecole animé par le laboratoire GéoAzur de Nice. Et la sismologie martienne stimule d’ores et déjà de nouveaux axes de recherche, permettant, in fine, de mieux comprendre la formation de toutes les planètes rocheuses, y compris la Terre et sa Lune.
> En savoir plus :
• le site de l’instrument SEIS d’InSight
• le communiqué commun CNES/CNRS/IPGP
• le portail de la mission sur le site de la NASA (en anglais)
> Références scientifiques :
• Banerdt, Smrekar et al. (2020) Initial results from the InSight mission on Mars, Nature Geoscience, DOI : 10.1038/s41561-020-0544-y
• Lognonné et al. (2020) Constraints on the shallow elastic and anelastic structure of Mars from InSight seismic data, Nature Geoscience, DOI : 10.1038/s41561-020-0536-y
• Giardini et al. (2020) The seismicity of Mars, Nature Geoscience, DOI : 10.1038/s41561-020-0539-8
• Banfield, Spiga et al.(2020) The atmosphere of Mars as observed by InSight, Nature Geoscience, DOI : 10.1038/s41561-020-0534-0
• Johnson et al. (2020) Crustal and time-varying magnetic fields at the InSight landing site on Mars, Nature Geoscience, DOI : 10.1038/s41561-020-0537-x
• Golombek et al.(2020) Geology of the InSight Landing Site on Mars, Nature Communications, DOI : 10.1038/s41467-020-14679-1
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