Dans plusieurs pays européens où les taux d’incidence de la mort subite du nourrisson sont élevés, il est noté aussi une fréquence élevée de pratiques parentales de couchage « à risque ». Des chercheurs de l’Inserm, des enseignants-chercheurs d’Université Paris Cité et de HEC Paris, en collaboration avec l’AP-HP, le CHU de Nantes et d’autres structures de recherche européennes, ont étudié les images présentes sur les emballages de couches pour bébés dans 11 pays européens dont la France. Ils ont montré qu’un taux très élevé de visuels était non conforme aux recommandations de couchage des nourrissons. Leurs résultats soulignent le décalage entre les visuels utilisés sur les emballages et les recommandations de couchage des nourrissons. Ils devraient inciter les fabricants et le législateur à prendre des mesures pour rendre ces produits, et plus généralement toutes les photographies commerciales et officielles, conformes aux recommandations pour la prévention de la mort subite du nourrisson.
© Image libre de droits – Association Naître et Vivre et ANCReMIN
Le syndrome de mort subite du nourrisson est la mort inattendue d’un nourrisson[1] de moins d’un an qui reste inexpliquée après une enquête complète, comprenant un examen des antécédents, une observation de la scène du décès et une autopsie. La position de couchage sur le ventre a été identifiée comme le facteur de risque majeur du syndrome de mort subite du nourrisson au début des années 1990. D’autres facteurs de risque liés à l’environnement de couchage ont ensuite été identifiés, notamment des surfaces de couchage ou environnantes molles (oreiller, jouet ressemblant à un oreiller, peluche, couette, édredon, peau de mouton, couverture, drap de matelas non ajusté, ou tour de lit) et le partage de la surface de couchage avec une autre personne (parent, frère, sœur…).
Ces travaux épidémiologiques ont conduit à l’élaboration et à la diffusion de recommandations internationales pour le couchage sécurisé des nourrissons. L’implémentation de ces recommandations, à partir des années 1990, a permis de diminuer de 80 % l’incidence de la mort subite en France, qui se situe aujourd’hui entre 250 et 350 décès par an. Cependant, dans plusieurs pays européens dont la France, les taux d’incidence de la mort subite du nourrisson ne baissent plus ou très faiblement, et une fréquence élevée de pratiques parentales de couchage non conformes aux recommandations a été notée.
D’après la littérature scientifique, on sait que les images véhiculant des messages de santé implicites ou explicites se sont montrées efficaces pour modifier de nombreuses pratiques en santé (consommation d’alcool pendant la grossesse, allaitement maternel…). On sait aussi que si les images publicitaires ont historiquement constitué d’importants outils de persuasion, elles ont également toujours été une source d’information auprès des consommateurs. Des études sur l’évaluation d’images de bébés endormis dans des magazines pour parents, des journaux, des brochures de lits pour bébés, des sites internet de banques de photos commerciales ou encore sur le réseau social Instagram® ont montré des taux alarmants de non-conformité avec les recommandations pour le couchage sécurisé des nourrissons allant de 35 à 93 % selon les supports.
Dans ce contexte, des chercheurs et enseignants-chercheurs de l’Inserm, d’Université Paris Cité, de HEC Paris, de l’AP-HP et du CHU de Nantes, en collaboration avec d’autres structures de recherche européennes, ont eu l’idée d’étudier, en Europe, la conformité avec les recommandations pour le couchage sécurisé des nourrissons des images présentes sur une surface à laquelle les parents sont très souvent exposés : les emballages de couches.
Les scientifiques ont recherché de manière systématique sur internet les emballages de couches pour bébés vendus dans 11 pays européens pour les nourrissons de moins de 5 kg, car ce sont eux les plus à risque de mort subite.
Pour chaque emballage identifié, ils ont extrait les données suivantes : y avait-il une image représentant un bébé, le bébé dormait-il et, le cas échéant, le bébé dormait-il en conformité avec 3 des 7[2] recommandations de prévention de mort subite du nourrisson pouvant être facilement évaluées sur des images ? Des analyses statistiques (dites « méta-analyses ») ont ensuite été réalisées à partir des données obtenues dans chaque pays pour fournir des taux de non-conformité.
L’équipe de recherche a ainsi identifié 631 emballages de couches pour bébés de moins de 5 kilos. Sur 49 % d’entre eux, une image représentait un bébé endormi. Les analyses indiquent que 79 % des paquets représentant un bébé endormi, soit 39 % de l’ensemble des paquets, étaient non conformes avec au moins une recommandation de prévention de la mort subite. Ainsi, on pouvait observer un bébé endormi en position ventrale ou latérale sur 45 % de ces paquets, avec une literie ou un objet mous (oreiller, jouet ressemblant à un oreiller, peluche, couette, édredon, peau de mouton, couverture, drap de matelas non ajusté, ou tour de lit) sur 51 % d’entre eux, ou partageant la surface de couchage avec une autre personne sur 10 % d’entre eux.
Exemples d’emballages de couches pour bébés en France et en Europe avec une image non conforme aux recommandations de prévention de la mort subite du nourrisson : bébé ne dormant pas sur le dos (A, C) ; bébé dormant avec une literie ou un objet mou (oreiller, couverture, peluche) (A, B, C, D) ; bébé partageant la surface de couchage avec une autre personne (D)
Les chercheurs ont conduit aussi une recherche, cette fois non systématique, sur les sites internet d’agences sanitaires ou de sociétés savantes et ont là encore trouvé des images non conformes. « Nos résultats soulignent qu’il y a un décalage entre les messages qui sont véhiculés sur ces produits du quotidien ou des sites institutionnels, auxquels de nombreux parents sont fortement exposés, et les recommandations pour la prévention de la mort subite. Ces résultats suggèrent la nécessité d’actions de la part des fabricants et des législateurs pour empêcher cette exposition à des images commerciales ou officielles non conformes aux recommandations de prévention de la mort subite du nourrisson afin de prévenir des pratiques de couchage dangereuses. Fabricants et législateurs participeraient ainsi pleinement à la juste information en santé », conclut Martin Chalumeau, dernier auteur de l’étude, épidémiologiste à l’Inserm, professeur à Université Paris Cité et pédiatre à l’AP-HP.
[1]S de Visme et al., J Pediatr 2020 Nov; 226:179-185.e4. doi : 10.1016/j.jpeds.2020.06.052
[2] Les 7 recommandations de l’American Academy of Pediatrics : (1) coucher bébé sur le dos, (2) sur une surface ferme dans (3) un lit sécurisé (lit à barreaux, berceau, lit parapluie, parc), (4) dans la chambre des parents, (5) sans objets ou accessoires de literie mous sur, sous, à côté de bébé (oreiller, jouet ressemblant à un oreiller, peluche, couette, édredon, peau de mouton, couverture, drap de matelas non ajusté, ou tour de lit), (6) sans partager la surface de couchage avec une autre personne, et (7) en utilisant une tétine.
Références
Inconsistency between pictures printed on baby diaper packaging in Europe and safe infant sleep recommendations: a systematic assessment and a call for urgent legislation
The Journal of Pediatrics, octobre 2023
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