Apparaissant aussi soudainement qu’elles disparaissent, les vagues scélérates sont des vagues anormalement élevées par rapport à l’état de mer environnant. Bien que relativement rares, elles sont régulièrement signalées en océanographie depuis une cinquantaine d’années. La première étude systématique de leur génération spontanée dans un canal de laboratoire vient d’être publiée dans la revue américaine Physical Review Fluids.
Vue du canal de 150 m de l’École Centrale de Nantes dans lequel la caractérisation des vagues scélérates a été rapportée.
Crédit photo : Éric Falcon
Pour mieux comprendre l’apport des auteurs, retournons dans les années 1980. Le mathématicien britannique D. Howell Peregrine étudia une équation régissant la dynamique des vagues (équation dite de Schrödinger non linéaire), et trouva une de ses solutions connue aujourd’hui sous le nom de « soliton Peregrine ». À première vue, ce soliton ressemble à une vague normale, mais à un instant précis et à un endroit localisé de l’espace, son amplitude augmente d’un facteur 3! En 2011, un groupe expérimental en Allemagne envoya cette solution à une extrémité d’un canal, qui en se propageant, atteignit effectivement la grande amplitude prévue avant de disparaître. Deux ans plus tard, deux mathématiciens, canadien et américain, démontrèrent, sur la base de la même équation, qu’une grande classe d’ondes aléatoires devrait en réalité évoluer spontanément pour engendrer des structures de grande amplitude semblables au soliton Peregrine.
Au vu de ce résultat, un consortium de physiciens de l’Institut Jean Le Rond d’Alembert (CNRS/Sorbonne Université), du laboratoire Matière et systèmes complexes (MSC, CNRS/Université Paris Cité), du laboratoire LHEEA (CNRS/École Centrale de Nantes), du laboratoire de physique de l’École Normale Supérieure (CNRS/PSL/ENS), et du laboratoire PhLAM (CNRS/Université de Lille) ont alors envoyé cinq heures de vagues aléatoires à une extrémité d’un canal de 150 mètres de long. Pour la première fois, ils ont observé émergeant de cet ensemble de vagues aléatoires des événements extrêmes tout à fait similaires à des solitons Peregrine qu’ils ont pu ainsi analyser quantitativement. Leur étude systématique révèle alors qu’à mesure que les vagues se raidissent et que le modèle théorique sous-jacent devient inexact, des vagues scélérates sont toujours observées mais diffèrent alors du soliton Peregrine. Ce résultat suggère que le mécanisme sous-jacent régissant leur génération, appelé « focalisation non linéaire », est robuste et s’applique à une très grande classe de vagues.
Référence :
Emergence of Peregrine solitons in integrable turbulence for deep water gravity waves
G. Michel, F. Bonnefoy, G. Ducrozet, G. Prabhudesai, A. Cazaubiel, F. Copie, A. Tikan, P. Suret, S. Randoux, and E. Falcon
Physical Review Fluids 5, 082801(R) (2020) – Rapid Communication
DOI: 10.1103/PhysRevFluids.5.082801
À lire aussi
[Retour sur la conférence La Guilde] L’Intelligence artificielle dans l’enseignement supérieur et la recherche : débats et perspectives
Le 6 novembre 2024, l’université Paris Cité et l’Université PSL ont réuni les communautés des universités membres du réseau La Guilde lors d’un événement consacré à l’intelligence artificielle et son impact sur les universités, au sein du PariSanté Campus. Stéphanie...
FIRE-UP : un projet structurant au service des grands axes de transformation de l’université Paris Cité
Dans le cadre de sa stratégie d’établissement, l’université Paris Cité coordonne plusieurs projets visant à accompagner la transformation interne de l’établissement et ses interactions avec le territoire. Parmi ces projets figure FIRE-UP, (renForcer...
Doctorat et entreprise : défis et opportunités pour les doctorantes et doctorants d’UPCité
À la suite de la remise du rapport sur la valorisation du doctorat dans les entreprises, nous avons rencontré Raphaël Porcher, directeur du collège des écoles doctorales de l’université Paris Cité.
Kristel Chanard reçoit la médaille de bronze du CNRS
Kristel Chanard, géophysicienne de l’IGN dans l’équipe de géodésie de l’IPGP, est médaillée de bronze 2024 du CNRS. La médaille de bronze récompense les premiers travaux consacrant des chercheurs et des chercheuses spécialistes de leur domaine. Cette distinction...