Le 19 décembre 2018, l’atterrisseur de la NASA, InSight, déposait le sismomètre français, SEIS, sur la surface de Mars. Le 6 avril 2019, 128ème jour martien de la mission, un signal sismique faible mais distinct a été détecté, semblable aux signaux sismiques captés à la surface de la Lune lors des missions Apollo.
Le sismomètre SEIS sous son bouclier de protection éolien et thermique le 7 avril 2019 (sol 128), vu par la caméra ICC de la sonde InSight
(c) NASA/JPL-Calteche
L’événement « Sol 128 » (128ème jour martien), détecté par SEIS, est le premier tremblement martien dont l’origine proviendrait de l’intérieur de la planète – par opposition à un mouvement causé par le vent – bien que les scientifiques n’en soient toujours pas entièrement sûrs. L’événement sismique est trop faible pour fournir des données utiles sur l’intérieur de Mars, l’un des objectifs principaux de la mission. Un tel tremblement n’aurait pas été détectable sur Terre mais la surface martienne, extrêmement stable, a permis aux capteurs très sensibles du sismomètre de capter ce faible signal.
Plusieurs caractéristiques de « Sol 128 » correspondent au profil des séismes détectés à la surface lunaire. Les astronautes de la NASA ont mesuré des milliers de séismes en explorant la Lune entre 1969 et 1972, révélant que celle-ci était toujours géologiquement active. La réflexion des ondes sismiques ou la modification de leur vitesse de propagation en fonction des matériaux traversés ont donné aux scientifiques des informations sur la structure interne de la Lune, ainsi que la taille de son noyau. Ceci a permis de mieux appréhender le processus d’impact entre la Terre et la proto-Lune, ainsi que la formation de la Lune à partir des débris mis en orbite. Avec le sismomètre SEIS, des données similaires pourront être collectées sur Mars, elles permettront de mieux comprendre la formation d’une telle planète tellurique.
« Les premières données relevées par InSight permettent de poursuivre les avancées scientifiques qui ont démarré avec les missions Apollo », note Bruce Banerdt, responsable scientifique de la mission Insight, du Jet Propulsion Laboratory (JPL) de la NASA basé à Pasadena, en Californie. « Jusqu’à présent, nous avons collecté des bruits de fond, mais ce premier séisme marque la naissance officielle d’une nouvelle discipline : la sismologie martienne. »
Trois autres signaux qui pourraient également être d’origine sismique ont été détectés le 14 mars (« Sol 105 »), le 10 avril (« Sol 132 ») et le 11 avril (« Sol 133 »). L’interprétation de ces signaux est encore ambiguë pour l’équipe InSight, mais pour au moins deux d’entre eux, ils ne semblent pas être dus à l’effet du vent ni à d’autres sources de bruit parasite. En pratique, ces signaux sont bien plus faibles que celui de « Sol 128 », et ont seulement été détectés par les senseurs VBB ultrasensibles de l’instrument SEIS. L’équipe travaille d’arrachepied pour préciser l’origine de ces nouveaux signaux.
La mission InSight est pilotée par le JPL. Baptisé Seismic Experiment for Interior Structure (SEIS), le sismomètre déposé par l’atterrisseur spatial a été livré par le CNES qui en a assuré la maîtrise d’oeuvre. Philippe Lognonné, Professeur à l’Université Paris Diderot et géophysicien à l’IPGP, assume la responsabilité scientifique de SEIS en association avec des équipes du CNRS.
« Nous avons attendu notre premier séisme martien pendant des mois », explique Philippe Lognonné. « C’est formidable d’avoir enfin le signe qu’il existe encore une activité sismique sur Mars. Nous sommes impatients de pouvoir communiquer des résultats détaillés, dès que nous aurons étudié de plus près et modélisé nos données. »
Mars ne comporte pas de plaques tectoniques, qui sont à l’origine de la plupart des séismes sur la Terre. Mais les deux planètes ainsi que la Lune partagent un autre type de séisme, provoqué par des failles ou des fractures dans leur croûte. Lorsque celle-ci subit des contraintes trop importantes dues au poids ou à son lent refroidissement, elle se rompt et libère de l’énergie.
La détection de ces séismes représente un véritable exploit technologique. Sur notre planète, des sismomètres ultraperformants sont souvent placés sous terre pour être protégés des variations de température et des intempéries. Mais le sismomètre SEIS ne peut pas être enterré sur Mars ; plusieurs dispositifs ingénieux ont donc été mis en place pour le protéger des variations de température, extrêmement importantes sur Mars, et des autres sources de bruit. Un bouclier protecteur construit par le JPL et baptisé « Wind and Thermal Shield » permet d’atténuer le bruit environnemental en protégeant SEIS du vent, de la poussière et des variations de température. En conséquence, à ce jour, la sensibilité de SEIS dépasse toutes les attentes de l’équipe.
À l’occasion de cet événement, le Président du CNES, Jean-Yves Le Gall, a déclaré : « Le sismomètre français SEIS est la pierre angulaire de la coopération spatiale entre la France et les Etats-Unis. Alors qu’il vient tout juste de débuter sa mission, le succès est déjà au rendez-vous avec cette première mondiale qui nous en apprend toujours plus sur Mars, planète qui a été habitable par le passé. Les équipes du SISMOC, le centre de contrôle de la mission InSight au CNES à Toulouse, travaillent jour et nuit pour piloter SEIS et analyser les données transmises depuis la planète rouge. Une nouvelle fois, je félicite tous les scientifiques et les ingénieurs qui permettent cet extraordinaire succès à la surface de Mars ! »
De même, le Président du CNRS, Antoine Petit, souligne l’importance de ce résultat : « La Terre n’est plus la seule planète surveillée en permanence par des sismomètres. Le sismomètre SEIS, déployé sur Mars au début de l’année 2019, enregistre maintenant jours et nuits les faibles vibrations du sol Martien, qu’elles soient provoquées par l’atmosphère martienne et ses vents qui martèlent la surface ou par des futurs séismes et impacts de météorites. Mars devient ainsi le troisième corps tellurique du système solaire étudié par les sismologues, 130 ans après les débuts de la sismologie instrumentale sur Terre et 50 ans après le premier sismomètre déployé par Apollo 11 en Juillet 1969. Ce ne sont pas moins de 11 laboratoires du CNRS, en association avec différentes universités, qui travaillent aujourd’hui sur ces données exceptionnelles. Dans les mois et années à venir leurs études contribueront à mieux comprendre comment Mars s’est formée et pourquoi cette planète a vu son volcanisme disparaitre, devenant le désert froid et sec d’aujourd’hui. »
Le CNES est le maître d’œuvre de SEIS et l’IPGP (Institut de physique du globe de Paris, CNRS, Université Paris Cité) en assure la responsabilité scientifique. Le CNES finance les contributions françaises, coordonne le consortium international (*) et a été responsable de l’intégration, des tests et de la fourniture de l’instrument complet à la NASA. L’IPGP a conçu les capteurs VBB (Very Broad Band pour très large bande passante) puis les a testés avant leur livraison au CNES. Plusieurs laboratoires du CNRS, le LMD (CNRS/ENS Paris/Ecole Polytechnique/Sorbonne Université) et le LPG de Nantes (CNRS/Université de Nantes/Université d’Angers)et l’ISAE-SUPAERO participent enfin aux analyses des données de la mission InSight.
(*) en collaboration avec SODERN pour la réalisation des VBB, le JPL, l’École polytechnique fédérale de Zurich (ETHZ, Suisse), l’Institut Max Planck de Recherche du Système solaire (MPS, Göttingen, Allemagne), l’Imperial College de Londres et l’université d’Oxford ont fourni les sous-systèmes de SEIS et participent à l’exploitation scientifique de SEIS.
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