La listériose néonatale est une maladie grave qui peut provoquer chez la femme enceinte une fausse couche, un accouchement prématuré ou une infection grave pour le fœtus. Mais quelles sont les conséquences à plus long terme de la listériose néonatale sur la santé des nouveau-nés ? Pour la première fois, une équipe de scientifiques et médecins de l’Institut Pasteur, d’Université Paris Cité, de l’AP-HP et de l’Inserm a suivi le développement jusqu’à l’âge de 5 ans des enfants infectés par la bactérie Listeria monocytogenes et l’a comparé à celui d’enfants non-infectés nés au même terme. Cette étude a montré que les séquelles de la listériose néonatale sont principalement imputables à la prématurité.

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D’origine alimentaire, la listériose est aujourd’hui bien connue des femmes enceintes à qui l’on recommande d’éviter pendant leur grossesse les fromages au lait cru, les charcuteries et les préparations de traiteur non recuites. Et si l’attention est soutenue, c’est que les conséquences peuvent être lourdes : la bactérie Listeria monocytogenes peut en effet provoquer un avortement, un accouchement prématuré et/ou une grave infection chez le nouveau-né (septicémie, infection pulmonaire, neurologique). En France, environ 40 nouveau-nés sont touchés chaque année. « Nous étudions depuis 2009 toutes les souches de Listeria et tous les patients en France – la listériose étant une maladie à déclaration obligatoire – afin de mieux connaître les caractéristiques de cette pathologie. L’une des questions que l’on se posait était de savoir comment les enfants atteints de listériose néonatale, et guéris grâce aux antibiotiques, grandissaient et se développaient », expose Marc Lecuit, responsable du Centre national de référence Listeria et de l’unité Biologie des infections (Institut Pasteur/Université Paris Cité/Inserm), Professeur de Maladies Infectieuses à l’Université Paris Cité et l’Hôpital Necker-Enfants Malades, et co-principal auteur de l’étude.
C’est ainsi que l’équipe de scientifiques et médecins s’est appuyée sur la cohorte française MONALISA qui recrute tous les cas confirmés de listériose pour étudier les conséquences neurologiques et neurodéveloppementales à long terme de l’infection chez les enfants survivants. Ce travail de suivi exigeant, rendu possible grâce à la participation active des familles, a offert une vision sans précédent des conséquences de la listériose néonatale sur le développement neurocognitif des enfants à un âge clef, celui de l’entrée à l’école primaire. L’équipe multidisciplinaire constituée d’infectiologues, de pédiatres, de neuropsychologues et d’épidémiologistes a pu suivre une cinquantaine d‘enfants nés de mères ayant contracté la listériose à différents stades de la grossesse, et évaluer de façon complète leur état santé à l’âge de 5 ans.
Le domaine cognitif a été évalué à l’aide de la version française de l’échelle d’intelligence préscolaire et primaire de Wechsler, et le domaine moteur et visuel grâce à un examen physique conçu pour dépister la paralysie cérébrale et les troubles de la coordination. Des entretiens avec les parents et des examens médicaux ont également permis de tester l’audition, les fonctions de communication et de socialisation. Les résultats obtenus ont été comparés à ceux d’enfants de même âge gestationnel, non infectés, issus de deux larges cohortes nationales contemporaines : les cohortes EPIPAGE-2 (enfants prématurés) et ELFE (enfants nés à terme).
Cette approche comparative a permis de mettre en évidence que les enfants nés avec une listériose présentent, à l’âge de 5 ans, des séquelles (troubles cognitifs, problèmes de coordination motrice, déficit visuel ou auditifs) dans deux tiers des cas, principalement imputables à leur prématurité. « On peut désormais affirmer que les séquelles de la listériose néonatale sont principalement dues à la prématurité plutôt qu’à l’infection. Ces résultats vont permettre aux cliniciens de fournir aux parents de nouveau-nés avec listériose des conseils médicaux étayés, et de les informer sur l’évolution de l’état de santé de leur enfant. Ils plaident aussi pour la mise en œuvre d’un dépistage systématique et prolongé des séquelles possibles afin d’offrir une prise en charge précoce appropriée, accompagnée d’un soutien éducatif adapté », conclut Caroline Charlier, chercheuse au sein de l’unité Biologie des infections (Institut Pasteur/Université Paris Cité/Inserm) et Professeur de Maladies Infectieuses à l’Université Paris Cité et l’Hôpital Cochin, première auteure et coordinatrice de l’étude.
Références
Long-term neurological and neurodevelopmental outcome of neonatal listeriosis in France: a prospective, matched, observational cohort study
The Lancet Child and Adolescent Health, 20 octobre 2023
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