Une mission de prélèvement d’échantillons a été réalisée à l’automne 2021 sur des glaciers alpins par deux chercheurs de l’IPGP et d’Université Paris Cité, dans le but de tracer la répartition et la source des particules de taille nanométrique dans des zones supposées préservées. Cette expédition rentre dans la continuité du projet NanoTrack, financé par l’IdEx Université Paris Cité, sur l’étude des nanoparticules et leurs effets sur les êtres humains et l’environnement.
© IPGP
A l’automne dernier, deux chercheurs de l’IPGP, Yann Sivry et Sophie Coural, ont pu mener une mission scientifique organisée dans le cadre du projet INSIDE THE GLACIERS, porté par des équipes scientifiques italiennes, françaises et suisses, dont l’Association Spélé’Ice Exploration et l’IPGP-Université Paris Cité. Plusieurs expéditions ont ainsi eu lieu entre août et décembre 2021 par diverses équipes, sur huit glaciers différents du versant nord des Alpes, incluant des études glaciologiques et microbiologiques. Les échantillons prélevés par toutes ces missions permettront aux scientifiques de l’IPGP d’obtenir un jeu de données complet et une vision globale indispensable au traçage des sources de nanoparticules, leur objet d’étude.
Retour sur l’expédition des chercheurs de l’IPGP
Cette mission à haut risque, réalisée sur et à l’intérieur des glaciers de Zinal et Moiry, dans le Valais (Suisse), a permis aux scientifiques de l’IPGP de prélever des échantillons de glace à différentes profondeurs, mais aussi de l’eau de ruissellement et des sédiments, dans le but de retrouver la composition chimique des nanoparticules déposées au fil du temps dans les couches successives de glace. L’objectif est de déterminer si cette composition chimique est spécifique à une source naturelle ou si elle est liée à une source humaine suite à un transport puis dépôt par voie atmosphérique (neige, pluie, dépôt éolien). A l’instar du projet d’Observatoire des Nanoparticules du Grand Paris (NanObs, porté par l’IPGP et supporté par la Fondation Université Paris Cité), l’objectif est ici de tracer la répartition et la source des particules de taille nanométrique en zones supposées plus reculées et préservées.
Contrairement aux expéditions scientifiques habituelles où les carottages sont réalisés de la surface vers les profondeurs, les scientifiques sont cette fois descendus directement dans les « moulins », ces crevasses élargies par les eaux de fonte, accompagnés de spéléologues et de guides de haute montagne. De petits carottages horizontaux de 20 cm ont alors permis l’accès aux différentes couches de glace.
Les différents échantillons vont maintenant être analysés à l’IPGP afin de mesurer la composition chimique précise de ces particules et distinguer les nanoparticules anthropogéniques des géogéniques.
Projet Nanotrack : Nano-objets dans les systèmes naturels – distinguer l’anthropique du géogénique
L’une des principales limites de la nanométrologie est la multitude de nanomatériaux présents dans les systèmes naturels : alors qu’une minorité sont des nano-objets manufacturés, de nombreuses autres nanoparticules (NPs) produites par des processus naturels ou anthropiques sont présentes dans le milieu naturel. Les outils analytiques existants ne sont pas encore en mesure de distinguer les NPs naturelles des NPs anthropiques et/ou artificielles, aux faibles concentrations attendues dans les matrices environnementales. Le manque d’outils performants limite toujours la prédiction et la gestion des risques, dans un contexte d’enjeux environnementaux et sociétaux importants. Le développement de nouvelles technologies pour des mesures innovantes est un point clé pour assurer, dans la durée, le suivi des effets des nanoparticules sur les consommateurs, les travailleurs et l’environnement.
Le projet Nanotrack vise à faire tomber cette barrière en discriminant les nanoparticules géogéniques et anthropiques, par l’utilisation combinée des outils innovants les plus récents que sont les isotopes stables non traditionnels, l’ICPMS haute résolution et l’ICPMS à temps de vol utilisés en mode comptage de particule unique, ainsi que le fractionnement flux-force asymétrique. Ce projet constitue non seulement l’une des premières études dédiées à la discrimination entre les nanoparticules anthropiques et géogéniques dans les systèmes environnementaux, mais aussi la première à combiner l’ensemble de ces trois outils de pointe, pour comprendre, quantifier et prédire le devenir des nanoparticules à plus grande échelle.
Les nouvelles connaissances acquises dans ce projet seront cruciales non seulement pour la mise en œuvre des réglementations et des lois dédiées aux nanotechnologies mais aussi pour l’information et la protection du grand public vis-à-vis des différentes sources de nanoparticules.
Si les résultats des travaux menés lors de cette mission dans les Alpes sont probants, les chercheurs de l’IPGP pourront alors envisager des études dans des zones plus reculées (Groenland, Patagonie) avec des plans d’échantillonnages à une échelle plus large.
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