L’équipe du service de cardiologie de l’hôpital européen Georges-Pompidou AP-HP, d’Université Paris Cité et de l’Inserm, coordonnée par le Pr Xavier Jouven a étudié la participation des femmes françaises aux programmes de prévention cardiovasculaire et l’impact de ce dépistage, chez les hommes comme chez les femmes.
En France, le dépistage des facteurs de risque cardiovasculaire est recommandé par le biais de visites préventives annuelles de routine. Malgré le bénéfice démontré de ces contrôles annuels sur la santé, il existe un écart entre les sexes dans l’adhésion aux programmes de prévention en défaveur des femmes, en lien direct avec l’efficacité de ceux-ci. Le niveau socio-économique influe également sur l’incidence des maladies cardiovasculaires avec un risque plus élevé dans les classes les plus défavorisées.
Le premier objectif de cette étude était d’étudier la participation des femmes françaises aux programmes de prévention cardiovasculaire en évaluant l’état de santé cardiovasculaire de ces participantes, leur niveau socio-économique, leur état psychologique, le taux de participation selon l’âge et enfin, l’évolution temporelle de cette participation en fonction des années.
Le deuxième objectif de cette étude était d’évaluer l’impact du dépistage en terme de mortalité en comparant les taux de mortalité par sexe et par rapport à la population non dépistée.
L’équipe de recherche a mené des études transversales répétées incluant un total de 366 270 personnes ayant eu un premier examen au Centre d’Investigations Préventives et Cliniques (CIP), en France, entre janvier 1992 et décembre 2011.
Sur les 366 270 personnes ayant participé aux visites médicales préventives de 1992 à 2011,37,8 % étaient des femmes. Parmi les participants âgés de 24 à 60 ans, la proportion de femmes examinées ne représentait que 33,9 %. L’équipe de recherche a observé une baisse du taux de participation des femmes à partir de l’âge de 24 ans qui atteint son taux le plus bas entre 30 et 50 ans.
Les femmes présentant un syndrome dépressif montraient une plus forte adhésion au programme de dépistage ainsi que les femmes avec un statut socio-économique bas.
Les chercheurs ont également constaté que par rapport aux hommes, les femmes participant au dépistage étaient moins susceptibles d’être fumeuses. Elles avaient des niveaux d’activité physique plus faibles, une meilleure glycémie à jeun et un meilleur taux de cholestérol total. Leur tension artérielle était mieux équilibrée.
Les chercheurs ont également étudié le pourcentage de femmes avec et sans enfant par tranche d’âge participant aux visites CIP. Parmi les femmes âgées de 30 à 39 ans (âge moyen de la grossesse en France) ayant participé aux consultations CIP, 60,1 % ont déclaré avoir des enfants. Ce pourcentage passe à 81,1 % et 85,0 % dans la tranche d’âge des 40 à 49 ans et des 50 à 59 ans, une proportion similaire à la population générale.
La réduction de mortalité liée associée aux dépistages est moindre chez les femmes âgées de 18 à 49 ans. Après 50 ans, les ratios standardisés de mortalité (SMR) ne différaient plus significativement selon le sexe.
En conclusion, cette étude suggère une plus faible participation des femmes aux visites médicales dans les centres de prévention. La participation dépendait fortement de l’âge et était minimale entre 30 et 50 ans. De plus, même si les taux de mortalité globaux parmi les participantes au programme de dépistage étaient inférieurs à ceux de la population générale, un bénéfice moindre du dépistage cardiovasculaire en terme de mortalité chez les femmes en âge de procréer a été observé, en comparaison avec les hommes.
Les différences de comportements entre les hommes et les femmes concernant les soins cardiovasculaires sont un mécanisme majeur de l’écart entre les sexes dans les maladies cardiovasculaires.
La première hypothèse explicative pourrait être l’accès parallèle des femmes au dépistage par le biais de visites régulières en obstétrique/gynécologie pendant leurs années de fertilité, ce qui diminuerait leurs consultations pour dépistage cardiovasculaire. Cette hypothèse peut également être étayée par la plus faible participation des femmes de niveau socio-économique élevé qui, à contrario, participent plus aux dépistages du cancer du col de l’utérus.
De plus, bien que les maladies cardiovasculaires soient une cause majeure de mortalité chez les femmes, cette problématique est largement sous-estimée. Le risque de cancer, en particulier le cancer du sein ou du col de l’utérus, continue de dominer les interventions de santé et de prévention concernant les femmes
Enfin, la maternité et la question de la garde des enfants pourraient être une autre hypothèse explicative, en particulier chez les femmes en activité professionnelle.
L’élargissement du champ d’action des obstétriciens/gynécologues et le renforcement des partenariats entre spécialistes pourraient être les premiers éléments d’un plan d’action. En outre, le dépistage du risque cardiovasculaire, dans son application actuelle, ne semble pas pleinement adapté aux femmes, et en particulier aux jeunes femmes.
Des adaptations urgentes sont nécessaires pour réduire cet écart entre les sexes dans le dépistage cardiovasculaire en France.
Références
Gender gap in annual preventive care services in France – Bamba Gaye, Helene Hergault, Camille Lassale, Magalie Ladouceur, Eugenie Valentin, Maxime Vignac, Nicolas Danchin, Mor Diaw, Marina Kvaskoff, Sarah Chamieh, Frederique Thomas, Erin D. Michos, Xavier Jouven.
eClinicalMedicine, mai 2022
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