Dans deux récentes études, l’équipe Chimie théorique et modélisation du Professeur Antonio Monari, auteur principal et membre du laboratoire Interfaces, traitements, organisation et dynamique des systèmes (Itodys, Université Paris Cité – CNRS) a mis en évidence la présence, dans l’ARN du SARS-CoV-2, de régions dont la structure très particulière, en feuillets, appelée quadruplexe de guanine présente un intérêt particulier pour sa capacité à stopper la réplication de l’ARN et donc la prolifération du virus. La seconde étude a quant à elle permis de comprendre les interactions entre l’ARN du SARS-CoV-2 et une protéine à l’origine du déclenchement de la réaction immunitaire.
Reconnaissance de l’ARN de SARS-CoV-2 (bleu) par les protéines du système immunitaire humain (vert).
© Antonio Monari (Itodys, Université Paris Cité – CNRS)
Spécialiste de la modélisation et de la simulation moléculaire, l’équipe de recherche Chimie théorique et modélisation du laboratoire Itodys, en collaboration avec des équipes du Laboratoire de physique et chimie théoriques (CNRS/Université de Lorraine) à Nancy, de Palerme (Italie) et d’Alcalà de Hénares (Madrid, Espagne), s’est attachée à reproduire les comportements des systèmes biologiques que sont les protéines humaines et l’ARN du SARS-CoV-2.
Grâce aux outils de modélisation et de simulation, les chercheurs ont à leur disposition, non pas des images fixes mais bien des films qui leur permettent d’accéder à la dynamique des interactions entre protéine humaine et molécule de SARS-CoV-2 formant des complexes. En observant les réorganisations de ces complexes, les chercheurs peuvent prévoir les effets biologiques de ces interactions. Les outils de modélisation fournis par des super calculateurs travaillant en parallèle et en continu permettent de déterminer, en quelques semaines, la configuration et l’évolution des systèmes biologiques complexes.
ARN du SARS-CoV-2 : une structure moléculaire d’intérêt thérapeutique
Contrairement au génome humain contenu dans la double hélice d’ADN, le génome de SARS-CoV-2 est conservé dans un seul brin (simple hélice) d’ARN qui n’est pas une structure linéaire mais présente des plis et replis qui conduisent à la formation de boucles et, par endroit, de structures très particulières dont l’intérêt biologique mobilise les chercheurs. Dans une première publication parue dans The Journal of Physical Chemistry Letters, pour la première fois les chercheurs, grâce aux simulations et modélisations moléculaires, confirment la présence dans l’ARN du SARS-CoV-2 de régions dont la structure très particulière, en feuillets, appelée quadruplexe de guanine est semblable à celle présente dans les extrémités des brins d’ADN des cellules humaines.
Lors d’une infection par le virus, ce dernier a besoin pour se propager dans l’organisme, de commencer par déplier son brin d’ARN pour pouvoir lui rendre sa forme linéaire, seule forme duplicable, puis de le dupliquer pour se multiplier avant de se propager.
Si les structures en feuillets de l’ARN du Sars-CoV-2 n’ont plus la possibilité de se déplier, elles ne peuvent pas être dupliquées, ce qui, de facto, bloque la réplication de l’ARN viral et donc la prolifération du virus dans l’organisme. Les résultats de cette première étude permettent d’ouvrir des pistes de recherche, à plus long terme, sur des solutions thérapeutiques qui, agissant directement sur ces structures en feuillets pour les figer, stopperaient la réplication de l’ARN viral et donc la prolifération du virus.
ARN du SARS-CoV-2 : une structure qui déclenche la réponse immunitaire
Dans une seconde étude publiée dans Chemical Communications, l’équipe de recherche s’est plus particulièrement intéressée à l’extrémité initiale du brin d’ARN du SARS-CoV-2, extrémité qui est reconnue de manière très spécifique par une protéine humaine qui déclenche ensuite la réponse du système immunitaire. La structure particulière en forme d’épingle à cheveu de cette extrémité est, à cet endroit précis, une structure en double brin semblable à celle de l’ADN. Les chercheurs ont pu mettre en évidence que c’est cette structure particulière qui est spécifiquement reconnue par la protéine à l’origine de la réponse du système immunitaire.
Par ailleurs, cette partie spécifique de l’ARN du SARS-CoV-2 (épingle à cheveu) est inerte et donc ne permet pas de produire des protéines virales.
Les chercheurs ont donc cherché à comprendre les raisons pour lesquelles cette protéine du système immunitaire humain reconnaît spécifiquement cette structure en double brin avec une affinité aussi importante.
Ils avaient à leur disposition la séquence complète de l’ARN c’est-à-dire la succession des bases (A-C-U-G) qui la constituent. Grâce à cette séquence, ils ont pu identifier les portions compatibles avec une structure en double brin. Parallèlement, s’appuyant notamment sur les éléments des données spectroscopiques, ils ont pu mettre en évidence les premiers éléments d’information sur l’organisation dans l’espace de cette structure.
Par la suite, ils ont mis en contact de façon virtuelle, les configurations les plus stables de cette structure d’ARN et un modèle de la protéine à l’origine de la réponse immunitaire de l’organisme humain. Ils ont ensuite observé les interactions de cette protéine avec la structure de l’extrémité de l’ARN du SARS-CoV 2 puis ont analysé l’évolution dans le temps de ces interactions. Cela leur a permis d’évaluer des probabilités maximales d’existence des différents complexes formés entre la protéine humaine et l’ARN du SARS-CoV-2.
Ainsi, ils ont mis en évidence un complexe protéine-ARN du SARS-CoV-2 très stable dont les interactions se font au niveau des bases (U-A-G-C) qui se trouvent en dehors de la structure en double brin, et plus particulièrement au niveau de la boucle. Ceci explique l’affinité particulière de la protéine avec cette extrémité de l’ARN du SARS-CoV-2.
Ces résultats permettent d’expliquer comment le système immunitaire inné reconnaît la présence de Sars-CoV-2 dans l’organisme et ouvrent des perspectives thérapeutiques basées sur l’ARN. Il s’agirait alors de fabriquer de l’ARN thérapeutique mimant simplement l’extrémité de l’ARN du virus ce qui stimulerait le système immunitaire de façon préventive. Un tel médicament pourrait permettre de pré-stimuler le système immunitaire d’une personne cas contact par exemple.
Ces travaux ont été réalisés à l’aide de super-calculateurs de GENCI (Grand équipement national pour le calcul informatique) et au soutien du CNRS et du Ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation dans le cadre du projet GAVO pour le design des nouveaux antiviraux contre les virus émergents.
Références
1- Structure and Dynamics of RNA Guanine Quadruplexes in SARS-CoV-2 Genome. Original Strategies against Emerging Viruses – The Journal of Physical Chemistry Letters
Tom Miclot, Cécilia Hognon, Emmanuelle Bignon, Alessio Terenzi, Marco Marazzi, Giampaolo Barone, and Antonio Monari
DOI : https://pubs.acs.org/doi/10.1021/acs.jpclett.1c03071
2- Structure of the 5′ untranslated region in SARS-CoV-2 genome and its specific recognition by innate immune system via the human oligoadenylate synthase – Chemical Communications
Emmanuelle Bignon, Tom Miclot, Alessio Terenzi, Giampaolo Barone and Antonio Monari
DOI : https://pubs.rsc.org/en/content/articlelanding/2022/CC/D1CC07006A
À lire aussi
Augmentation des cas de scorbut chez les enfants en France depuis la pandémie de COVID-19
Les équipes du service de pédiatrie générale et du centre de référence des rhumatismes inflammatoires et maladies auto-immunes systémiques de l’enfant (RAISE) de l’hôpital Robert-Debré AP-HP, de l’Inserm, de l’université Paris Cité et du département de pédiatrie de...
Un laboratoire d’astrochimie et d’exobiologie de nouvelle génération en orbite autour de la Terre
Mardi 17 décembre 2024, un dispositif expérimental tout à fait inédit, conçu et assemblé au Laboratoire interuniversitaire des systèmes atmosphériques en collaboration avec le CNES, a été installé à l’extérieur de la Station spatiale internationale (ISS), sur la plateforme Bartolomeo d’Airbus, pour une durée d’un an.
Félicitations aux lauréates et lauréats UPCité 2024 des Prix solennels de thèse de la Chancellerie des universités de Paris !
C'est avec une immense fierté que nous saluons aujourd'hui les 11 lauréates et lauréats UPCité des Prix solennels de thèse de la Chancellerie des universités de Paris, figures emblématiques de la recherche scientifique et médicale. « Ces jeunes...
[Paris-Dakar] Renforcement du partenariat lors du colloque sur les maladies non transmissibles
Le 25 novembre 2024 s’est tenu à Dakar, le colloque international sur les maladies non transmissibles organisé par l’université Paris Cité, l’université Cheikh Anta Diop (UCAD) et le réseau African Research Network. Cet événement s’inscrit dans une démarche visant à...