Le laboratoire franco-américain de génétique humaine des maladies infectieuses de l’Institut Imagine (Université Paris Cité, Inserm, AP-HP) et de l’Université Rockefeller, coordonné par le Pr Jean-Laurent Casanova et le Dr Laurent Abel, s’intéresse de longue date à la compréhension des mécanismes moléculaires, cellulaires et immunologiques défectueux chez des sujets souffrant d’une infection virale grave. Ceci a été permis grâce à l’identification dans leur génome de mutations à l’origine d’une réponse immunitaire défectueuse. L’étude parue récemment dans la revue Nature se penche spécifiquement sur des patients porteurs de défauts génétiques de la voie de signalisation NF-κB alternative, les rendant vulnérables à des infections virales sévères. Le laboratoire a découvert que cette vulnérabilité tenait à la production d’auto-anticorps neutralisant les interférons de type I.
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Les interférons de type I (IFN-I) sont un groupe de protéines produites de manière rapide par les cellules de l’organisme en réponse à une infection virale et qui ont pour principal effet d’inhiber la réplication du virus dans les cellules infectées.
Des autoanticorps (des anticorps s’attaquant aux propres tissus, cellules, ou molécules de l’organisme d’un individu) dirigés contre les IFN-I ont été identifiés chez environ 15% des patients atteints de formes critiques de COVID-19, 5 % de grippe critique, et 40 % des cas d’encéphalite à virus West Nile. En neutralisant l’action des IFN-I, ces autoanticorps empêchent l’organisme de se défendre contre ces virus. Il est probable que ces autoanticorps soient la cause d’un grand nombre d’autres maladies virales.
Ces autoanticorps sont présents dans la population générale (0.2 à 1%), avec une fréquence qui augmente fortement au-delà de 70 ans, et sont trouvés jusqu’à 5 à 10% des personnes âgées. Ainsi, au moins 100 millions d’êtres humains dans le monde sont probablement porteurs d’autoanticorps neutralisant les IFN-I.
Certaines maladies génétiques rares peuvent engendrer le développement de ces auto-anticorps. En effet, ils sont présents chez tous les patients atteints du syndrome héréditaire de polyendocrinopathie auto-immune de type 1 (APS- 1). Ces patients sont porteurs de mutations délétères dans le gène AIRE, qui code une protéine exprimée dans le thymus, un organe majeur du système immunitaire. Cette protéine AIRE joue un rôle clé dans la prévention de certaines maladies auto-immunes.
Tom Le Voyer, médecin interniste en thèse de sciences a, sous la direction d’Anne Puel, Directrice de recherche Inserm et Theme leader au sein du laboratoire de Génétique Humaine des Maladies Infectieuses à l’Institut Imagine, identifié un nouveau groupe de maladies génétiques entraînant la production de ces autoanticorps : les défauts héréditaires de la voie alternative NF-κB.
En effet, leurs travaux de recherche ont mis en évidence que plus de 80 % des patients porteurs de mutations altérant la voie NF-κB alternative ont des autoanticorps contre les IFN-I. La présence de ces autoanticorps explique la vulnérabilité accrue des patients à des maladies virales sévères, telles que des formes critiques de pneumonie COVID-19, pneumonie grippale, de varicelle ou de zona, ou des herpès labiaux récurrents.
Ces travaux ont également montré que le thymus de ces patients présente une structure anormale et une expression réduite de la protéine AIRE, à l’origine du développement d’autoanticorps contre les IFN-I et la susceptibilité virale de ces patients. De façon surprenante, l’auto-immunité de ces patients semble dirigée exclusivement envers les IFN-I.
Cette étude a ainsi révélé le rôle déterminant de la voie de signalisation NF-κB alternative dans les mécanismes de prévention de l’auto-immunité vis-à-vis des IFN-I, et l’influence des facteurs génétiques sur le fonctionnement cellulaire et la réponse immunitaire. Dans le cas des infections virales, la détection d’autoanticorps neutralisant les IFN-I a des implications cliniques directes importantes pour le diagnostic, la prise en charge et le suivi des patients. L’augmentation observée de la présence de ces autoanticorps après l’âge de 70 ans est une autre question connexe, dont la compréhension des mécanisme sous-jacents bénéficiera de la recherche sur les causes génétiques responsables du développement de ces auto-anticorps.
Références : Autoantibodies against type I IFNs in humans with alternative NF-κB pathway deficiency
DOI: 10.1038/s41586-023-06717-x
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