L’étude ANRS Prévenir, menée en partenariat avec AIDES, valide l’efficacité et la bonne tolérance en vie réelle de la prophylaxie pré-exposition (PrEP) à la demande au bout de trois années de suivi. Ces résultats ont été présentés par le Pr Jean-Michel Molina (professeur à Université Paris Cité et chef du service de maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Saint-Louis AP-HP) lors de la CROI, la conférence internationale sur les rétrovirus et les infections opportunistes, le 9 mars 2021.
L’efficacité de la PrEP à la demande avait été mise en évidence pour la première fois par l’essai ANRS IPERGAY, et avait, depuis, été approuvée par l’OMS et un grand nombre de recommandations internationales comme un outil de prévention efficace contre la transmission du VIH.
À l’occasion de la CROI 2021, qui a lieu du 6 au 10 mars 2021, le Pr Jean-Michel Molina, investigateur principal de Prévenir, a présenté les résultats à trois ans de cette étude, démarrée en mai 2017, menée en partenariat avec le Pr Jade Ghosn (du service de maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Bichat – Claude Bernard AP-HP et d’Université Paris Cité), l’équipe de la Pr Dominique Costagliola, du Dr Lambert Assoumou (Institut Pierre-Louis d’épidémiologie et de santé publique Inserm, Sorbonne Université), de Daniela Rojas Castro pour AIDES/ Coalition PLUS, et soutenue par l’ANRS | Maladies infectieuses émergentes et Sidaction.
Elle avait pour but de suivre plus de 3 000 personnes en Île-de-France présentant de fortes vulnérabilités au VIH, afin d’évaluer l’efficacité et la tolérance de la PrEP par l’association en un comprimé de deux molécules antirétrovirales : l’emtricitabine et le fumarate de ténofovir disoproxil. Cette combinaison est disponible sous forme de génériques qui ont été utilisés par plus de 90 % des patients de l’étude ANRS Prévenir.
Au total, 3 067 participants ont été inclus dans l’étude, avec un âge moyen de 36 ans. Presque la totalité d’entre eux (98,5 %) était des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et 56 % utilisaient déjà la PrEP avant l’entrée dans l’étude. Près de la moitié des participants (49,5 %) a choisi de prendre la PrEP à la demande, c’est-à-dire avant et après les rapports sexuels, tandis que l’autre prenait la PrEP de façon continue (un comprimé tous les jours). Le taux de rétention dans l’étude était relativement élevé : l’incidence des perdus de vue de l’étude était de 14 pour 100 participants-année.
Après un suivi moyen de 22 mois, l’incidence du VIH dans la cohorte n’était que de 1,1 pour 1 000 participants par année, que ce soit dans le groupe « à la demande » ou dans le groupe « continu ». Cela correspond à 361 infections par le VIH évitées en se rapportant à l’incidence de 6,6 % observée dans le bras placebo de l’essai ANRS IPERGAY.
Seuls six participants ont été infectés par le VIH au cours de l’étude et tous avaient interrompu la PrEP avant l’infection et avaient continué à avoir des rapports sans préservatif. Ils ont tous reçu une trithérapie dans un délai de moyen de 7 jours. Parmi eux, un seul cas de résistance à l’emtricitabine a été détecté, ce participant ayant repris la PrEP avant de vérifier l’absence d’infection par le VIH.
La tolérance de la PrEP dans l’étude, qu’elle soit à la demande ou en continu, était très satisfaisante. Aucun patient n’a dû interrompre la PrEP pour une toxicité rénale. Seules trois personnes ont dû l’interrompre pour des problèmes digestifs (nausées ou diarrhées), qui représentent les effets indésirables les plus fréquents.
En termes de comportement sexuel, les chercheurs ont noté au cours de l’étude une diminution du nombre moyen de partenaires chez les participants, mais une augmentation du nombre de rapports sexuels et de rapports sexuels sans préservatif, notamment chez ceux qui ne prenaient pas de PrEP avant d’entrer dans l’étude. Globalement, 18 % de la totalité des rapports sexuels ont été protégés par un préservatif.
L’équipe de recherche a constaté, comme attendu chez ces participants utilisant peu les préservatifs, une incidence relativement élevée de l’hépatite C (0,7 % participants par année) et surtout des infections sexuellement transmissibles bactériennes, dont l’incidence était de 75,5 % participants/année. Ils ont cependant observé une chute de cette incidence à 32 % participants par année pendant la période du confinement liée à l’épidémie de la Covid-19 (du 17 mars au 11 mai 2020).
Afin de réduire l’incidence de ces infections sexuellement transmissibles, deux sous-études sont actuellement en cours dans le projet ANRS Prévenir : la première vise l’élimination de l’hépatite C par une stratégie de test and treat et la seconde, Doxyvac, évalue l’intérêt d’une prophylaxie post-exposition par la doxycycline et d’une vaccination contre le méningocoque B pour essayer de prévenir les infections à Chlamydia, syphilis et gonocoque.
Les résultats de l’étude Prévenir valident donc en vie réelle l’efficacité de la PrEP à la demande, qui a depuis été approuvé par l’OMS et un grand nombre de recommandations internationales.
« La PrEP à la demande, comme la PrEP en continu, représente donc, chez les hommes qui ont des rapports sexuels avec les hommes, une option très efficace de prévention de l’infection par le VIH », conclut le Pr Jean-Michel Molina.
Aurélien Beaucamp, président de AIDES, appuie ces propos : « ces résultats finissent d’ancrer la PrEP comme un outil indispensable de la lutte contre le VIH. Il est désormais indispensable que celui-ci puisse être accessible à toutes les personnes exposées au virus. »
En savoir plus :
Incidence of HIV-infection with daily or on demand oral PrEP with TDF/FTC in France
J-M. Molina, J. Ghosn, C. Delaugerre, G. Pialoux, C. Katlama, L. Slama, C. Pintado, M. Ohayon, H. Mouhim, L. Assoumou, B. Spire, M. Ben-Mechlia, D. Rojas Castro, D. Costagliola and the ANRS Prevenir study group.
CROI 2021
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