En comparant les résultats de simulations du climat des époques Éocène et Oligocène, soumises à différentes configurations de l’orbite terrestre, une étude publiée dans la revue Science Advances, montre le rôle de ces variations orbitales dans la variabilité climatique ancienne et leur influence sur le couvert végétal. Les scientifiques de l’IPGP, du CEREGE, du CNRS, d’Université Paris Cité et leurs collègues identifient notamment des changements environnementaux majeurs dans les zones tropicales et le long de certains corridors de dispersion, ayant pu avoir une implication dans la migration des faunes de l’époque.
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© N. Meijer
Il y environ 34 millions d’années, la Terre bascule du climat chaud de l’Éocène à un climat beaucoup plus froid, permettant la mise en place d’une calotte polaire pérenne en Antarctique, à l’Oligocène. Des études récentes s’appuyant sur des enregistrements sédimentaires de très haute résolution temporelle, montrent que cette transition climatique globale a cependant été ponctuée par des oscillations climatiques locales et rapides, de l’ordre de quelques dizaines de milliers d’années, liées aux changements périodiques de l’orbite terrestre. Ces variations orbitales, dues à l’interaction de la Terre avec les autres planètes du système solaire, modifient la répartition de l’insolation reçue à la surface du globe. Cela se répercute sur les circulations atmosphériques et océaniques, et donc sur les types de climats auxquels sont soumises les différentes régions du globe. Actuellement, ces variations orbitales sont par exemple impliquées dans l’alternance entre les cycles glaciaires et interglaciaires.
Mais la reconstruction précise des climats de cette période de transition Eocène-Oligocène est complexe. En effet, pour des temps aussi anciens, les différents indicateurs paléo-environnementaux disponibles sont souvent datés avec trop peu de précision pour rendre compte de ces changements orbitaux terrestres, « rapides » à l’échelle des temps géologiques. Les reconstructions climatiques se basent actuellement sur des compilations de fossiles, notamment de végétaux, représentant une vision « moyenne » et parfois contradictoire des climats considérés.
Dans une étude publiée le 22 octobre 2021 dans la revue Science Advances, et dirigée par des scientifiques de l’Institut de physique du globe de Paris, d’Université Paris Cité, du CEREGE (CNRS, Aix Marseille Université), du LSCE (CNRS, Université Paris-Saclay), des Universités de Stockholm, d’Amsterdam, de Rennes et de Potsdam, ceux-ci ont cherché à évaluer à quel point l’absence de prise en compte des variations orbitales par les modèles et les compilations botaniques biaise la représentation des paléoclimats de cette époque.
En se basant sur des modèles français récemment adaptés à la simulation de climats anciens (modèle de système-terre IPSL-CM5A2 et modèle de surface continentale ORCHIDEE), cette étude a réalisé un large panel de simulations testant différentes configurations orbitales (modifications des paramètres de précession, d’obliquité et d’excentricité). Ces simulations permettent d’améliorer nettement la correspondance aux données botaniques disponibles pour l’époque et de cartographier les régions du globe présentant une sensibilité importante de la végétation aux modifications orbitales pour les deux périodes considérées.
Ces résultats mettent en évidence que la végétation des tropiques, pour un niveau de CO2 constant, aurait pu osciller entre des conditions de forêt tropicale humide et de forêt arbustive ouverte, voire de désert. Ces changements environnementaux locaux, mais majeurs, sont liés à l’impact de la précession, et dans une moindre mesure de l’obliquité, sur les gradients de température intertropicaux, permettant la mise en place intermittente d’un climat de type mousson.
L’équipe internationale démontre également que l’impact conjugué d’une baisse de CO2 et des variations de l’obliquité induit une fragmentation des corridors bioclimatiques en Anatolie et en Sibérie. Les implications biogéographiques de ces résultats sont importantes, car ces couloirs migratoires reliant l’Europe à l’Asie ont étés déterminants dans la migration des faunes asiatiques vers l’Europe de l’Ouest lors de l’événement de dispersion faunique appelé Grande Coupure.
Bibliographie :
> D. Tardif, A. Toumoulin, F. Fluteau, Y. Donnadieu, G. Le Hir, N. Barbolini, A. Licht, J.-B. Ladant, P. Sepulchre, N. Viovy, C. Hoorn, G. Dupont-Nivet, Orbital variations as a major driver of climate and biome distribution during the greenhouse to icehouse transition. Sci. Adv. 7, eabh2819 (2021). DOI: 10.1126/sciadv.abh2819
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