Édouard Kaminski a été interviewé par le média spécialisé de l’enseignement supérieur et de la recherche, AEF, le 5 mars 2025. Retrouvez l’article complet ci-dessous, également accessible sur le site d’AEF pour les abonnés.

Université Paris Cité : « Les efforts réalisés devraient nous permettre de sortir de la zone de turbulence » (E. Kaminski)
Formation continue, projets européens, mécénat, mise en place d’un fonds d’investissement… Édouard Kaminski, président de l’université Paris Cité, identifie plusieurs axes de développement pour son établissement et détaille les axes stratégiques du COMP, dans une interview à AEF info, fin février 2025. « Les efforts réalisés en 2024 devraient permettre de sortir de la zone de turbulence » financière, affirme-t-il. Sur l’expérimentation de l’EPE, il demandera aux instances de valider le lancement de la sortie officielle dès 2025, l’objectif de la démarche étant la « pérennisation des statuts actuels et leur éventuelle simplification ». Enfin, Édouard Kaminski revient sur la stratégie de l’université en matière de recherche et sur le sujet des key labs, qu’il ne souhaite pas relancer, et évoque l’AMI SHS sur lequel Paris Cité « souhaite se repositionner » en cas de deuxième vague.
AEF info : Au début de votre mandat, en octobre 2023, vous aviez indiqué à AEF info avoir « la volonté de redonner à l’établissement des marges de manœuvre budgétaires » alors que l’établissement était dans une situation financière fragile. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Édouard Kaminski : Nous avons bon espoir que les efforts réalisés en 2024 par la communauté portent leurs fruits et nous permettent de sortir de la zone de turbulence dans laquelle nous étions. Nous envisageons donc une trajectoire de retour à l’équilibre. Par ailleurs, l’annonce de la compensation du CAS pensions est une excellente nouvelle. Elle devrait permettre à notre établissement de confirmer sa capacité à régénérer un fonds de roulement mobilisable pour ses dépenses d’investissement en immobilier, ce qui était un point délicat puisque nous utilisions le FDR pour retrouver l’équilibre au lieu de faire des investissements immobiliers et informatiques.
La ligne rouge pour nous était de préserver l’emploi. Nous avons refusé de supprimer des postes mais nous avons demandé des efforts sur les dépenses de fonctionnement qui étaient très importants. Nous avions en effet demandé jusqu’à 20 % d’économies aux unités de recherche, aux composantes ainsi qu’aux services. Même si nous n’avons pas atteint ces 20 %, ces efforts ont permis de compenser les coûts liés à l’inflation, et à la part non financée des mesures Guerini. Pour autant, cela ne suffit pas, car nous avons un GVT qui est positif (+3,7 M€ par an), c’est pour cela que nous avons décidé en plus cette année de décaler d’un an les recrutements d’enseignants-chercheurs, en les remplaçant par des Ater pour ne pas diminuer les taux d’encadrement.
Je précise qu’il ne s’agit pas d’un gel de postes mais d’un décalage d’un an et que les recrutements d’enseignants-chercheurs auront bien lieu l’année prochaine. L’effort est important car c’est un volant d’une quarantaine de postes qui était concerné. Pour accompagner cette décision, et son acceptabilité pour les équipes pédagogiques, nous avons décidé de promouvoir une politique plus pro active sur les 46-3°, en complément du dispositif de repyramidage de la LPR, cela afin de continuer à donner une trajectoire de promotion aux collègues.
AEF info : Vous aviez également indiqué vouloir travailler à un modèle de développement pour l’université. Sur quoi repose-t-il ?
Édouard Kaminski : Le premier axe de développement concerne la formation continue, dont nous attendons qu’il soit le premier à augmenter les ressources qu’il génère. Nous avons en effet bien avancé sur le sujet avec la mise en œuvre du projet ASDESR. Notre deuxième axe est porté par les projets européens. Les fruits tomberont dans quelques années car la temporalité est différente sur ce type de projet. Notre troisième axe touche à tout ce qui est en lien avec la valorisation de la recherche et la dynamique de notre PUI ValoCité.
Comme quatrième axe, nous souhaitons développer le mécénat. Notre projet emblématique repose sur l’Institut santé des femmes, dont le bâtiment va être co-financé par la mairie de Paris, la région, et un mécène privé, à la même hauteur que les deux autres acteurs. Cet Institut est jumelé avec celui de l’université NUS à Singapour qui a l’habitude de mobiliser le mécénat. Nous allons organiser à la rentrée de septembre un dîner de gala pour faire de la levée de fonds en lien avec nos partenaires de NUS. Il y a un créneau autour du mécénat dont les universités doivent se saisir. Nous le faisons déjà avec la fondation université Paris Cité, qui finance des chaires thématiques, mais nous souhaiterions aller, vers un soutien au développement et à la mise en œuvre de la stratégie de l’établissement.
Enfin, le dernier axe prévoit la mise en place d’un fonds d’investissement pour rajouter une brique au développement économique de l’université en ‘dérisquant’ le financement du transfert technologique, cela afin d’éviter notamment que nos start-up nous quittent lorsqu’elles arrivent à maturité, par exemple pour les États-Unis où la levée de fonds est plus facile. La recherche fondamentale, si j’ose dire, est un sujet parfaitement intégré dans notre politique d’établissement, et l’étape d’après est bien la recherche partenariale, l’innovation et le transfert. Dans cette optique, le rôle de la Satt Erganeo est essentiel, notamment pour la partie maturation pour laquelle nous attendons des arbitrages favorables comme l’ensemble des universités pour leurs Satt.
AEF info : Quels sont les axes stratégiques de votre COMP ? Quel montant cela représente-t-il ?
Édouard Kaminski : Pour nous, il représente 0,8 % de notre SCSP, soit 4 M€ environ. Nous avons été auditionnés en décembre, et nous attendons que la vague des entretiens de la troisième vague soit finie. Pour la partie formation, l’un des enjeux est de mieux accompagner les équipes pédagogiques qui gèrent des grosses cohortes. Nous avons identifié un sujet autour des Ecos, qui viennent fortement complexifier l’activité des équipes pédagogiques, et le besoin d’avoir des assistants qui ont assez de connaissances sur la technicité des Ecos pour pouvoir identifier et gérer les problèmes en amont et ainsi éviter toute situation de crise en examen. Il y a une logistique pédagogique nécessaire pour la mise en œuvre des Ecos qui ne peut pas être confiée au secrétariat de type scolarité et qui ne peut pas non plus faire davantage appel aux enseignants déjà mobilisés sur le passage des épreuves.
Au-delà du cas des Ecos, nous avons identifié une nécessité similaire d’assistant de logistique pédagogique pour la faculté droit-éco-gestion qui accueille également de grandes cohortes d’étudiants en premier cycle. Un autre enjeu a été identifié sur l’attractivité des formations en sciences pour les jeunes filles, et un troisième visant à renforcer notre lien avec le monde socio-économique, avec l’idée de mettre en place un club d’entrepreneur qui pourrait nous accompagner dans la politique de stage, la préparation de l’insertion professionnelle des diplômés, et aussi dans la recherche partenariale.
AEF info : Quels sont les autres volets prévus dans ce COMP ?
Édouard Kaminski : Côté « pilotage » et « institutionnel », nous avons voté au sein de notre université un schéma directeur de l’expérience étudiante et un schéma directeur DDRSE. Le COMP va nous permettre de financer les premières actions phares de ces deux schémas directeurs comme une opération pilote de relamping à l’IPGP. Nous avons également un projet sur le pilotage de l’établissement par la donnée, avec le souhait de notre DGS de mettre en place un entrepôt de données, dans le but d’avoir une gestion des processus administratifs qui soit plus robuste, et autant que possible dématérialisée.
AEF info : Quelles sont les spécificités du COMP concernant la recherche et l’innovation ?
Édouard Kaminski : Sur le volet recherche, nous lançons un nouveau contrat quinquennal. Certaines de nos unités ont fait l’effort de se restructurer, et nous allons également créer une UMS (unité mixte de service) orientée sur la recherche pédagogique en santé, unités pour lesquelles on souhaite que le COMP vienne en appui afin de lancer leur démarrage. Autre projet : un meilleur accompagnement des comités d’éthique pour la recherche non soumise à la loi Jardé grâce à des soutiens de type ingénieur d’études dédiés à l’accompagnement des communautés à la préparation des dossiers de validation. Nous souhaitons accompagner les équipes dans l’élaboration des dossiers qui sont soumis au comité d’éthique, pour que ce dernier soit davantage un comité de décision et de validation, plutôt que d’accompagnement à la rédaction du même dossier.
Pour l’aspect signature de l’établissement, deux enjeux ont été identifiés. Le premier est l’interdisciplinarité pour laquelle nous allons créer un hôtel de l’interdisciplinarité qui organisera des manifestations de promotion de l’interdisciplinarité, en recherche comme en formation, et fournira un accompagnement administratif spécifique aux projets interdisciplinaires. Le deuxième concerne la santé planétaire, et notre souhait de nous rapprocher de l’école nationale vétérinaire de Maisons-Alfort et de valoriser notre partenariat avec l’Institut Pasteur à travers un projet d’institut commun sur la santé humaine et animale dans une optique one health.
AEF info : Comment avance votre réflexion sur la sortie de l’expérimentation de l’EPE ? Envisagez-vous des modifications de statuts ?
Édouard Kaminski : Nous avons jusqu’à 2028 pour sortir de l’expérimentation. Entre le délai d’environ un an du processus de sortie (visite du Hcéres avec d’éventuelles recommandations, avis du Cneser, publication du décret), et les nouvelles élections à la présidence qui auront lieu au printemps 2027, cela nous laisse finalement toute l’année 2026 pour traiter de l’aspect réglementaire et juridique afin que les élections aient lieu après la sortie de l’expérimentation. Je souhaite donc que nous commencions ce travail dès 2025 et je demanderai d’ici à la fin de l’année à nos instances (CSA, Sénat académique et CA) de valider le lancement officiel de la sortie d’expérimentation. L’objectif de la démarche est la pérennisation des statuts actuels tout en travaillant sur leur éventuelle simplification.
Au bout de cinq ans, nous avons vu en effet qu’il y avait des choses qui pouvaient être améliorées, et le HCERES a porté aussi certains points d’attention dans son rapport d’évaluation. En amont du vote du CA, qui lancera la sortie de l’expérimentation, nous allons installer une commission de concertation, qui permettra de travailler sur les points soulevés par le HCERES. Nous pourrions, ainsi, après ces travaux, proposer à l’horizon 2026 une nouvelle version de nos statuts.
Un schéma directeur de l’expérience étudiante, et des besoins immobiliers
Expérience étudiante. L’université Paris Cité a présenté, le 10 février 2025, « son programme Sdex 2030 en faveur de l’accompagnement et de la réussite des étudiantes et étudiants », annonce un communiqué de l’établissement le 14 février. Ce programme « tient lieu de schéma directeur de l’expérience étudiante sur la période 2024-2030 », approuvé par le CA en octobre 2024. Il repose sur une stratégie en sept axes, avec « 30 objectifs et 50 actions », qui intègre « l’orientation, l’accompagnement académique direct et indirect, l’engagement citoyen, le bien-être, la vie de campus, la vie associative, l’accès à la culture et au sport, la transition vers la vie professionnelle et le lien avec les alumni ». L’université indique « mobiliser un budget qui avoisine les 50 millions d’euros sur six ans », « avec des financements provenant de la CVEC, de l’idex, du COMP, ainsi que d’autres subventions publiques et financements de partenaires ».
Immobilier. « L’enjeu aujourd’hui est de retrouver un fonds de roulement mobilisable qui non seulement nous permette d’accompagner les gros travaux immobiliers de maintenance et le développement des SI, mais qui nous donne en plus les marges nécessaires pour accompagner nos projets stratégiques. Par exemple, nous devrons, le moment venu, être capables d’équiper les bâtiments universitaires du GHU Saint-Ouen Grand Paris Nord, ou l’institut Tarnier pour la santé des femmes, c’est-à-dire tout ce qui relève de l’équipement sans être financé par le CPER. L’enjeu pour nous c’est de ne pas se retrouver avec des bâtiments ne pouvant pas accueillir la recherche et les enseignements faits d’équipements adaptés ! ».
AEF info : L’université Paris Cité fait partie des sites expérimentateurs de mesures de simplification sur les sites avec les organismes de recherche. Où en êtes-vous de vos travaux conjoints ?
Édouard Kaminski : Avec le CNRS, cette démarche nous a permis de nous rapprocher et de nous retrouver avec nos collègues de la délégation Île-de-France Villejuif. Nous avons passé beaucoup de temps ensemble de façon extrêmement constructive pour mettre à plat leur offre de service et la nôtre et identifier le mieux disant. Les discussions se font en bonne entente et nous avons le souhait partagé de converger au maximum pour simplifier la vie des unités. Idéalement, nous aimerions que ça aille jusqu’à la mise en place d’outils communs même si cela reste une question complexe. Quoi qu’il en soit, nous sommes très proches sur les règles de gestion.
Si demain cette politique de simplification venait à ne plus être soutenue par les pouvoirs publics, nous continuerons à poursuivre cette logique d’interaction et de synergie avec la délégation CNRS.
Ce processus de simplification a permis d’augmenter la confiance réciproque et la trajectoire que nous construisons avec le CNRS est très positive. Avec l’Inserm, nous avons une relation historiquement plus forte dans ce domaine car nous disposons d’une plate-forme de gestion partagée, principalement mise en œuvre sur un périmètre ex-Diderot. Nous avons souhaité élargir cette plate-forme mais les conditions n’étaient pas réunies dans l’immédiat, notamment pour des questions de RH. Cela ne remet pas en cause l’intérêt des partenaires pour la démarche sur le moyen terme.
AEF info : Pour revenir à des sujets plus polémiques concernant le CNRS, quelle est la position de Paris-Cité par rapport à la volonté de l’organisme d’instaurer des key labs, même si depuis un moratoire a finalement été instauré ?
Édouard Kaminski : Notre position officielle est celle d’Udice. Nous ne pouvons valider une méthodologie et une telle opération sans avoir une juste prise en compte des effets de bord, potentiellement extrêmement délétères sur les communautés. Ce travail en chambre du CNRS s’impose à des unités sans réel accompagnement ni stratégie. Nous allons attendre d’éventuelles nouvelles propositions d’Antoine Petit, son PDG, car je pense que nos universités de recherche intensive ont vocation à travailler main dans la main et à avancer avec le CNRS, ce qui nécessite des échanges sur l’articulation entre stratégie nationale portée par l’ONR et stratégie de site portée par l’université cheffe de file. En tant qu’hébergeur principal des unités, nous nous retrouvons entre le bois et l’écorce ce qui est tout de même très difficile : nous devons encaisser les conséquences sur le terrain d’une politique qui n’a pas été concertée…
Néanmoins, les universités IdEx mettent en avant la différenciation car on ne peut pas considérer que toutes les unités ont le même poids stratégique sur tous les sujets ou dans tous les domaines. Nous ne fermons pas la porte au dialogue, mais quoi qu’il en soit, il n’y a pas de volonté de notre part de relancer ce sujet des key labs.
AEF info : Philippe Baptiste, ministre chargé de l’ESR, a plusieurs fois demandé aux établissements de l’ESR, organismes et universités, de lancer moins d’appels à projets. Quelle est votre stratégie en la matière ?
Édouard Kaminski : Au sein de notre IdEx, nous essayons de manier les appels à projets de façon raisonnable et raisonnée. Typiquement, nous avons choisi de conserver une philosophie proche de l’approche des labex, avec nos initiatives lancées au sein de l’IdEx, les inidex. Ce sont des appels à projets très structurants pour la communauté. Comme les labex, ils donnent plus de temps aux chercheurs pour mener leurs travaux de façon sereine, sur six ans, et passer plus de temps sur les recherches plus risquées/de long terme, sans être en permanence dans la recherche de financements.
Je citerais également l’appel à projets « Émergence en recherche », ouvert à toutes les thématiques scientifiques et destiné comme son nom l’indique à accompagner les projets émergents, nouveaux ou risqués, pour établir des preuves de concepts et faciliter leur évolution vers des projets ANR ou européens.
Au-delà de tout cela, nous avons surtout besoin de stabiliser le budget de l’université pour augmenter les dotations de base des laboratoires et permettre aux chercheurs de travailler dans de meilleures conditions.
AEF info : Le projet porté par l’université n’a pas été retenu dans le cadre de l’AMI SHS. Envisagez-vous de déposer une nouvelle candidature ?
Édouard Kaminski : Oui et je suis très déçu. C’est un appel à projets très intéressant pour notre communauté car il donne la possibilité de réfléchir ensemble à comment structurer une politique au sein de l’établissement dans le domaine SHS et développer nos spécificités, un peu là encore sur le modèle des labex. À ce stade, je ne sais pas si une deuxième vague va être lancée ou non. Cela me semble un enjeu important pour les SHS nationalement, et nous souhaitons vraiment nous repositionner et saisir cette opportunité.
À lire aussi

Une soirée jeux de société pour les étudiants du Buddy System
Le 4 mars 2025, un événement convivial a réuni les étudiants du Buddy System de l’UPCité. Mentees et Mentors de toutes les facultés se sont retrouvés pour une soirée autour de jeux de société. Une opportunité de créer des liens internationaux À la Taverne de Fwinax,...
lire plus
L’Université Paris Cité s’associe à Stand Up For Science
L'Université Paris Cité s'associe pleinement à la journée internationale de mobilisation Stand Up for Science de ce vendredi 7 mars 2025. Cette initiative vise à rappeler le rôle fondamental de la science et de la recherche pour la société, suite aux difficultés et...
lire plus
Rapport d’activité 2023-2024 : nouvelle formule !
L'université présente son dernier rapport d'activité dans une toute nouvelle formule : pour la première fois, il est bilingue et s'inscrit dans l'année universitaire passée (2023-2024). Des réussites collectives Découvrez le rapport d'activité de l'année universitaire...
lire plus
Olympe de Gouges : une figure inspirante au cœur de notre université
Le 3 mars, France 2 diffusait un biopic consacré à Olympe de Gouges, avec Julie Gayet dans le rôle-titre. Cette occasion nous invite à (re)découvrir cette figure majeure du XVIIIe siècle, pionnière du féminisme et défenseure des droits humains. À l’Université Paris...
lire plus