Dans une récente étude publiée dans la revue Nature Medicine, une équipe de recherche d’Université Paris Cité, de l’Inserm et de l’AP-HP, dirigée par le Professeur Alexandre Loupy au Centre d’expertise de la transplantation multi-organes de Paris, a créé un assistant informatique automatisé qui permet de corriger 40 % des diagnostics erronés de rejet d’allogreffe chez l’homme et de mieux orienter la prise en charge des patients.

Le rejet est la principale cause d’échec de greffe après transplantation rénale. Il constitue donc, compte-tenu
de la pénurie mondiale d’organes, un problème majeur de santé publique.

Le diagnostic du rejet repose sur une classification internationale qui s’est considérablement complexifiée au
cours des 30 dernières années. Il est maintenant nécessaire pour les médecins d’analyser et intégrer des
données complexes et extrêmement diversifiées – données histologiques, immunologiques, ou encore
transcriptomiques – pour poser un diagnostic correct, qui guidera la prise en charge thérapeutique des
patients.

Cette complexité dans le diagnostic du rejet, initialement nécessaire pour mieux comprendre et définir son
type et sa gravité, est devenue une problématique quotidienne pour les médecins, confrontés à des
situations où il peut être difficile de poser un diagnostic correct.

Par conséquent, face au nombre grandissant d’erreurs diagnostiques qui sont continuellement documentées
dans la littérature scientifique, les sociétés savantes internationales de transplantation ont appelé les
chercheurs du monde entier à réagir et trouver une solution pour simplifier et fiabiliser le diagnostic du rejet.

L’équipe de recherche a eu une idée originale pour résoudre ce problème.

« La médecine de précision a besoin d’outils d’aide au diagnostic qui soient fiables, robustes, précis,
largement validés et démontrant un bénéfice réel et mesurable pour les patients. Il est également capital que
ces systèmes digitaux soient éthiques et bénéficient d’une transparence complète tant dans leur construction
que dans l’interprétation et le rendu des résultats. Dans notre étude nous avons pu démontrer qu’un
assistant informatique automatisé permettait aux médecins de poser des diagnostics plus précis », indique le
Professeur Alexandre Loupy. « Notre principal défi était d’établir un consortium réunissant des experts en
transplantation, néphrologie, anatomopathologie mais aussi en sciences des données, épidémiologie,
biostatistiques, programmation informatique et intelligence artificielle, capables de développer ce système
informatique et de recruter des patients dans le monde entier afin de tester s’il était capable de correctement
diagnostiquer les rejets. Les résultats sont sans appel, puisque plus de 40 % des diagnostiques sont corrigés
et requalifiés par la machine. Cet outil permettra de mieux traiter les patients et également d’améliorer les
essais cliniques et le développement de traitements immunosuppresseurs ».

Le consortium a dans un premier temps conduit une revue systématique de la littérature scientifique afin de
colliger l’ensemble des règles diagnostiques de la classification du rejet publiées au cours des 30 dernières
années. Les médecins et les pathologistes ont ensuite travaillé avec les data scientists, développeurs et
programmeurs informatiques, afin que ces derniers puissent traduire ces règles diagnostiques en un
algorithme informatique couvrant l’ensemble des scénarios possibles de rejets. Ils ont ensuite créé un
assistant informatique automatisé disponible en ligne et facile d’utilisation, qui interprète instantanément
grâce à l’algorithme les données médicales complexes renseignées par les médecins, afin de fournir aux
patients un diagnostic en appliquant scrupuleusement les règles de la classification internationale.

« Il s’agit en quelque d’un agent conversationnel spécialisé dans les rejets », indique Daniel Yoo, data
scientist et co-premier auteur de l’étude. « Nous avons mis au point un système intelligent et très simple
d’utilisation. Les médecins peuvent en quelques clics obtenir un diagnostic correct pour leurs patients.
L’assistant informatique leur fournit également un compte-rendu de l’analyse ainsi qu’un arbre décisionnel
qui explique le raisonnement de l’algorithme ».

La deuxième partie de l’étude a consisté à démontrer l’utilité clinique de cet assistant informatique, c’est-àdire
sa capacité à correctement identifier les rejets. Pour cela, les chercheurs ont recruté plus de 4000
patients transplantés rénaux dans 20 centres de référence en transplantation européens et nord-américains.
Ils disposaient pour chaque patient des diagnostics initiaux des médecins, ainsi que de l’ensemble des
données nécessaires pour que le système automatisé puisse poser son propre diagnostic. Cela leur a permis
de comparer l’humain à la machine et de déterminer lequel trouvait le diagnostic le plus pertinent.

« Une des forces de cet assistant informatique est qu’il peut également traiter de grandes bases de données
et améliorer les essais cliniques », souligne Valentin Goutaudier, néphrologue et épidémiologiste, premier
auteur de l’étude, « Le système informatique nous a permis de reclasser plus de 40% de diagnostics erronés
de rejets parmi les patients que nous avions recrutés, et de poser des diagnostics plus précis. Ces résultats
permettent donc de mieux orienter la prise en charge des patients. »

Les résultats de cette étude ont fait l’objet d’une publication le 4 mai 2023 dans la revue Nature Medicine et
sont accompagnés d’un éditorial. Il s’agit d’une avancée majeure vers une médecine de précision
accompagnée par des systèmes informatiques automatisés, et de la première étude, toutes spécialités
médicales confondues, à démontrer qu’un assistant informatique peut aider les médecins à poser un meilleur
diagnostic.

Cet assistant informatique, qui permet d’améliorer la performance diagnostique des phénomènes de rejet, a
été validé par toutes les sociétés internationales de transplantation, et sera donc prochainement utilisé par
les équipes de transplantation du monde entier pour améliorer la prise en charge des patients. Il permettra
également de standardiser les diagnostics de rejet dans les essais cliniques de nouvelle génération, afin de
faciliter le développement de nouveaux traitements immunosuppresseurs.

La transplantation n’est pas la seule spécialité médicale à être confrontée à des données de plus en plus
complexes. D’autres spécialités, telles que l’oncologie et l’immunologie, où des données variées et
complexes sont de plus de plus utilisées, pourraient se tourner vers l’automatisation des classifications des
maladies pour améliorer la prise en charge des patients.

 

Référence :  An automated histological classification system for precision diagnostics of kidney allografts

DOI : 10.1038/s41591-023-02323-6

Contact presse : 
presse@u-paris.fr 

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