Un essai thérapeutique international de phase 2, coordonné par les professeurs Hervé Bachelez (Université Paris Cité, Hôpital Saint-Louis-AP-HP, Inserm, Institut Imagine) à Paris et Mark Lebwohl à l’Hôpital Mount Sinaï à New-York, a permis d’étudier chez les malades en poussée de psoriasis pustuleux généralisé, l’efficacité et la tolérance du Spesolimab, un nouvel anticorps monoclonal humanisé dirigé contre le récepteur de l’interleukine-36. Les résultats viennent d’être publiés dans le New England Journal of Medicine et rapportent l’efficacité très rapide du traitement par Spesolimab par voie intraveineuse.

Vue au microscope d’une coupe de peau de psoriasis pustuleux généralisé montrant l’accumulation de polynucléaires neutrophiles (pustule) au sein de l’épiderme.

© Pr Maxime Battistella, Service d’Anatomie et de Cytologie Pathologique, Hôpital Saint-Louis-AP-HP

Pathologie auto-inflammatoire orpheline grave, le psoriasis pustuleux généralisé est caractérisé par des poussées subites sous forme de pustules non infectieuses sur la peau, souvent associée à des signes généraux (fièvre, fatigue extrême), à l’évolution imprévisible et aux complications potentiellement graves pouvant aller jusqu’au décès. La prévalence de cette pathologie est estimée entre 60 et 90 cas par million d’habitants selon les estimations les plus récentes.

« Au contraire du psoriasis en plaques qui a bénéficié au cours des dernières années de nombreuses avancées thérapeutiques mises à la disposition des prescripteurs et des malades, le psoriasis pustuleux généralisé, forme rare et réfractaire aux traitements usuels du psoriasis, n’avait bénéficié jusqu’à ces innovations récentes d’aucun développement thérapeutique propre » souligne Hervé Bachelez, Professeur de Dermatologie à Université Paris Cité, praticien hospitalier dans le service de Dermatologie de l’Hôpital Saint-Louis AP-HP, membre du laboratoire de Génétique des Maladies Cutanées à l’Institut Imagine (Université Paris Cité, AP-HP, Inserm) et premier auteur de cette publication.

 

Des anomalies génétiques à l’origine de l’inflammation

De précédents travaux internationaux, coordonnés par le Dr Asma Smahi dans le Laboratoire de Génétique du Pr Arnold Munnich (Université Paris Cité, Hôpital Necker), auxquels le Pr H. Bachelez avait pris part et dont les résultats avaient été publiés en 2011 dans le New England Journal of Medicine, avaient permis de mettre en évidence la première anomalie génétique – mutations perte-de-fonction du gène IL36RN – responsable de cette maladie. Ces résultats avaient également révélé le rôle majeur de la protéine produite par le gène IL36RN – l’antagoniste du récepteur pour l’interleukine-36 (IL36RA) – dans la régulation de l’inflammation dans la peau et d’autres organes, le bon fonctionnement de ce gène et de cette protéine permettant de limiter l’inflammation dépendant de cette voie. En effet, l’interaction de l’interleukine 36 avec son récepteur étant à l’origine de l’inflammation, pour contrôler cette dernière, l’organisme produit normalement, grâce au gène IL36RN, une molécule à action antagoniste qui se fixe au récepteur de l’interleukine 36, ce qui limite l’interaction de cette dernière avec son récepteur et limite fortement les effets inflammatoires de l’interleukine 36.

Chez les patients atteints de psoriasis pustuleux généralisé porteurs d’anomalies des deux copies du gène IL36RN, l’absence d’antagoniste du récepteur ou sa présence à l’état défectueux empêche le mécanisme naturel de régulation de l’inflammation de se mettre en place, ce qui a pour conséquence un emballement de la réaction du système immunitaire marqué par une augmentation très importante des effets inflammatoires de l’interleukine 36, à l’origine des poussées de la maladie qui dépassent largement le cadre de la peau, puisque la maladie peut toucher les articulations, les poumons et le foie. Un dérèglement de la voie de l’interleukine 36 semble également jouer un rôle important chez les malades qui ne présentent pas de mutation du gène IL36RN.

 

Un anticorps monoclonal humanisé montre son efficacité

Dans leur étude récente reposant sur un essai thérapeutique randomisé de phase 2, promu par le groupe industriel pharmaceutique Boehringer Ingelheim, les chercheurs ont évalué, chez des malades en poussée de psoriasis pustuleux généralisé, l’efficacité et la sécurité d’emploi d’un anticorps monoclonal humanisé[1], le Spesolimab, qui, utilisé par voie intraveineuse, interagit avec le récepteur de l’interleukine-36 pour bloquer l’action de cette dernière sur son récepteur. Cet anticorps permet de freiner l’inflammation pathologique et de limiter ses conséquences néfastes. Cette recherche fait suite à un premier essai thérapeutique preuve-de-concept de phase 1 coordonné par le Pr Bachelez, testant la tolérance et l’efficacité à court terme du Spesolimab chez 7 malades atteints de psoriasis pustuleux généralisé, dont les résultats publiés dans le New England Journal of Medicine en 2019 avait montré le caractère très prometteur.

Les résultats de la toute récente étude internationale de phase 2 randomisée contre placebo menée chez 53 malades ont montré une efficacité très rapide et très supérieure au placebo du traitement par Spesolimab : 19 (54%) malades étant dépourvu de toute pustule (critère de jugement principal) une semaine seulement après le traitement contre seulement 1 (16%) dans le groupe ayant reçu le placebo. Il en est de même pour le critère de jugement secondaire, à savoir un score global du clinicien de 0 ou 1 (indemne ou quasiment indemne de toute lésion) : 43% (Spesolimab) contre 11% (placebo). La tolérance du traitement était bonne, à l’exception d’un cas possible de syndrome d’hypersensibilité.

Désormais, des études de phase 3 sont en cours, et une demande d’autorisation de mise sur le marché du Spesolimab dans cette indication a été déposée en octobre dernier auprès de l’European Medicines Agency (EMA), et de la Food and Drug Administration (FDA) aux États-Unis.

Ce succès montre le savoir-faire d’Université Paris Cité et des services de l’AP-HP dans l’articulation entre la recherche académique et la recherche à promotion industrielle au service de malades atteints de maladies rares et graves, dépourvues de traitement efficace à ce jour.

 

[1] Les anticorps monoclonaux sont des anticorps produits par des techniques de bio-ingénierie et sont utilisés dans les maladies inflammatoires depuis près de 20 ans.

 

Références

Trial of Spesolimab for Generalized Pustular Psoriasis

Hervé Bachelez, M.D., Ph.D., Siew-Eng Choon, F.R.C.P., Slaheddine Marrakchi, M.D., A. David Burden, M.D., Tsen-Fang Tsai, M.D., Akimichi Morita, M.D., Alexander A. Navarini, M.D., Ph.D., Min Zheng, M.D., Ph.D., Jinhua Xu, M.D., Ph.D., Hamida Turki, M.D., Milan J. Anadkat, M.D., Sushmita Rajeswari, M.Sc., Hairui Hua, Ph.D., Sebastian D. Vulcu, M.D., David Hall, Ph.D., Kay Tetzlaff, M.D., Christian Thoma, M.D., and Mark G. Lebwohl, M.D.

DOI : 10.1056/NEJMoa2111563

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