Comment l’eau est-elle arrivée sur Terre ? Les comètes, avec leurs noyaux de glace, semblent un candidat idéal, mais les analyses ont jusqu’ici montré que leur eau diffère de celle de nos océans. Une équipe internationale, associant des chercheurs du CNRS au Laboratoire d’étude du rayonnement et de la matière en astrophysique et atmosphères (Observatoire de Paris – PSL/ CNRS/Sorbonne Université/Université de Cergy-Pontoise) et au Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique (Observatoire de Paris – PSL/CNRS/Sorbonne Université/ Université Paris Cité), a cependant établi qu’une famille de comètes contient de l’eau similaire à l’eau terrestre : les comètes hyperactives. Cette étude, publiée dans la revue Astronomy & Astrophysics le 20 mai 2019, s’appuie en particulier sur des mesures de la comète 46P/Wirtanen par SOFIA, l’Observatoire stratosphérique pour l’astronomie infrarouge de la NASA.

La comète 46P/Wirtanen, le 3 janvier 2019. © Nicolas Biver

Selon la théorie dominante, la Terre se serait formée par la collision de petits corps célestes, les planétésimaux. Comme ils sont pauvres en eau, cette dernière a dû être apportée soit par un planétésimal plus gros, soit par une pluie de plus petits objets tels que les astéroïdes et les comètes.

Pour remonter à la source de l’eau terrestre, les chercheurs étudient les rapports isotopiques1, en particulier le rapport deutérium sur hydrogène (D/H) de l’eau, le deutérium étant une forme d’hydrogène plus lourd. À l’approche du Soleil, les glaces d’une comète se subliment2, formant ainsi une atmosphère de vapeur d’eau qui peut être analysée à distance. Or les rapports D/H de comètes mesurés jusqu’ici étaient en général compris entre deux et trois fois celui des océans, ce qui signifierait que les comètes n’ont apporté qu’environ 10 % de l’eau sur Terre.

Lors de son passage près de la Terre en décembre 2018, la comète 46P/Wirtanen a pu être analysée grâce à l’observatoire volant SOFIA, embarqué à bord d’un Boeing. Elle a été la troisième à présenter le même D/H que l’eau terrestre. Comme les deux précédentes, elle appartient à la classe des comètes hyperactives qui, à l’approche du Soleil, libèrent plus d’eau que ce devrait permettre la surface de leur noyau. L’excès est produit par des particules riches en glace présentes dans leur atmosphère.

Intrigués, les chercheurs ont déterminé la fraction d’activité de toutes les comètes dont le D/H est connu, c’est-à-dire la fraction de la surface du noyau nécessaire pour produire la quantité d’eau présente dans leur atmosphère. Résultat, on observe une corrélation inverse entre cette fraction d’activité et le D/H de la vapeur d’eau : plus une comète tend vers l’hyperactivité (fraction d’activité supérieure à 1), plus son D/H diminue et s’approche du D/H terrestre.

Les comètes hyperactives, dont la vapeur d’eau provient en partie de grains éjectés dans leur atmosphère, ont donc un D/H équivalent à celui de l’eau terrestre, contrairement à celles dont le halo gazeux n’est produit que par la glace de surface. Les chercheurs suggèrent que les rapports D/H mesurés dans l’atmosphère de ces dernières ne sont pas forcément représentatifs des glaces présentes dans leur noyau. Si cette hypothèse est vraie, l’eau de tous les noyaux cométaires pourrait en fait être très proche de celle sur Terre, ce qui rouvre le débat sur l’origine de nos océans.

Bibliographie

Terrestrial deuterium-to-hydrogen ratio in water in hyperactive comets, D. C. Lis, D. Bockelee-Morvan, R. Guesten, N. Biver, J. Stutzki, Y. Delorme, C. Duran, H. Wiesemeyer, Y. Okada. Astronomy & Astrophysics, 20 mai 2019. 

https://doi.org/10.1051/0004-6361/201935554

À lire aussi

Mesurer la pollution de l’air dans l’écorce des platanes !

Mesurer la pollution de l’air dans l’écorce des platanes !

Le projet de science participative Ecorc’Air propose de collecter des écorces de platanes afin d’établir une cartographie précise de la pollution aux particules fines métalliques liée majoritairement à la circulation automobile, et de mesurer son évolution. Les échantillons sont à envoyer à l’IPGP, où seront faites les analyses magnétiques et chimiques de détection de cette pollution.